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Cinémathèque d'Alger
«Cheba Louisa» ou la quête de la liberté
Publié dans Info Soir le 30 - 04 - 2013

Film - La comédie sociale Cheba Louisa, signée Françoise Charpiat, a été projetée, hier, en avant-première à la cinémathèque d'Alger et ce, même avant sa sortie nationale en France, prévue le 8 mai.
Cheba Louisa, où figurent dans le casting Rachida Brakni et Isabelle Carré, et auxquelles s'ajoutent (dans les rôles secondaires) Sid-Ahmed Agoumi et Biyouna, est un film qui parle d'amitié, d'amour aussi, de transmission quand il s'agit de la mémoire familiale ; il parle également de liberté, c'est-à-dire comment être soi sans que rien ni personne ne vienne interférer dans les choix de chacun.
Cheba Louisa raconte l'histoire de Djamila, la trentaine, qui, attachée à vivre pleinement sa liberté, sans avoir à rendre des comptes à qui que soit, donc désireuse de prendre de la distance envers sa famille et, surtout, par rapport à sa mère, toujours sur ses talons, emménage seule. Elle est confrontée au quotidien, au poids des traditions face à son propre désir d'émancipation.
Mais pour vivre seule, elle a promis à sa mère de répondre à sa volonté : se marier avec Ahmed, un gars de la cité, d'origine aussi algérienne, immature et rétro dans sa tête, il est le fils de l'amie de sa mère. Autrement dit, il s'agit d'un mariage arrangé.
Il se trouve cependant que Djamila entretient une relation amoureuse avec Fred, un collègue de travail, un Français ; cette relation, elle la vit en secret. Elle la cache à son entourage. Dans sa nouvelle vie, Djamila fait la connaissance d'Emma, une voisine de palier ; d'abord, elles ne s'entendaient pas ; puis, elles finissent par se rapprocher, par se comprendre et par s'accepter l'une dans la différence (culturelle, religieuse, des coutumes, professionnelle...) de l'autre. Elles deviennent des amies très complices.
Toutes deux sont confrontées au regard de la «cité» – celle-ci est la métaphore même d'une société fermée sur elle-même, étriquée, conservatrice – et doivent faire face aux «on-dit».
Djamila doit s'imposer auprès de sa mère qui, elle, impatiente, veut marier sa fille au plus vite, car, à l'âge de 30 ans, ce n'est pas normal qu'on soit encore célibataire.
«A ton âge, j'avais déjà deux enfants», disait la mère à sa fille.
Emma, quant à elle, veuve, ayant à sa charge l'éducation de deux enfants, est mal vue parce qu'elle est extravertie ; elle est jugée à tort, bien qu'elle ait été mariée et que son époux soit tragiquement mort dans un accident de la circulation ; elle est jugée non seulement pour son choix vestimentaire (court et léger), mais aussi le fait qu'elle habite seule. Elle est même traitée de femme aux mœurs légères. Les gens de la cité se demandent si les deux enfants d'Emma sont du même père.
C'est dire tout le regard pesant, oppressant, réducteur de la société qui, encore, se mêle des affaires des autres, notamment lorsqu'il s'agit des libertés individuelles.
- Dans la cité, on passe la plupart de son temps à médire, rapporter des ragots ; on aime cultiver et véhiculer les rumeurs. Chacun s'arroge, de surcroît, le droit d'être moralisateur, porteur de valeurs. Il y a là de l'incompréhension qui conduit à l'intolérance qui, elle, débouche immanquablement sur le refus de l'autre. L'autre est refusé dans sa différence. Même l'ami de Djamila, supposé l'aimer, refuse de l'accepter comme elle est, c'est-à-dire avec ses choix et ses convictions. Il va jusqu'à lui imposer une situation embarrassante, insoutenable : choisir entre lui et sa famille, donc tout son héritage culturel. Sous le couvert de la comédie, la réalisatrice a traité un sujet sensible et d'actualité en France : le refus de l'autre. Car le refus de l'autre peut s'exprimer de diverses manières et s'applique à toute personne laissant paraître des signes de la différence, c'est-à-dire celle qui n'est pas copie conforme au schéma type, établi et imposé par la société. Ici, la réalisatrice s'attaque avec un certain sens de l'humour aux idées reçues, aux préjugées, aux stéréotypes que l'on fait de l'autre et que l'on porte sur sa personne. Evoquant la genèse de ce film qu'elle a coécrit avec Mariem Hamidat, Françoise Charpiat a dit avoir fait ce film «en réaction au débat sur l'identité nationale» qui s'était imposé en France sous la présidence de Nicolas Sarkozy. La productrice du film, Anne Derré, a, pour sa part, indiqué que Cheba Louisa serait projeté dans les salles d'Alger, en attendant de pouvoir le montrer dans d'autres villes d'Algérie.


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