Benchicou s'est toujours élevé contre l'idée même d'un candidat du consensus. Il est toujours agréable de recevoir un livre en cadeau, et, en ce début d'année 2004, celui de Mohamed Benchicou mérite de figurer en bonne place dans notre bibliothèque personnelle et même parmi nos livres de chevet. Et cela pour plusieurs raisons. D'abord sur le plan de l'écrit, Bench nous a habitués à un style flamboyant qui rompt avec le ronron routinier et les balises squelettiques d'une presse indépendante qui n'a pas assis des traditions d'écriture et qui cherche encore ses marques. Ne serait-ce donc que pour le plaisir de lire, grâce à cette musique des mots à la fois chantante et abrupte, la métrique d'un phrasé à la fois ample et hachuré comme le sont les falaises d'Algérie découpées par le soleil et le vent. Rien que pour cela, Bench est un Algérien pur jus. Il est à lui seul une école de journalisme, parce qu'il est unique et exigeant, et qu'il nous oblige à un effort sur nous-mêmes pour ne pas tomber dans la facilité quotidienne qui nous tend ses pièges sous chaque ligne, sous chaque mot. Ensuite, et ce n'est pas rien, le livre de Bench tombe vraiment à pic: Bouteflika une imposture algérienne va enrichir le débat qui s'ouvre à la faveur de la campagne électorale. Il éclairera plusieurs zones d'ombre et apportera sa touche à un débat qui s'ouvre sur le bilan du président de la République, lequel risquait d'être terne et plat, vu que le président de la République, qui n'a pas encore annoncé sa candidature, a verrouillé le champ de l'expression, contenu toutes les libertés, accaparé tous les moyens de l'Etat, que ce soit les médias lourds de l'Etat ou les ressources financières publiques. Il n'y en a que pour lui, et le combat, tel qu'il est enclenché, est vraiment inégal. En face, ses concurrents n'arrivent même pas à obtenir une salle pour se réunir : leurs réunions sont donc interdites de facto. Justement, le mérite de Mohamed Benchicou est d'avoir dénoncé, bien avant tout le monde, les dérives totalitaires et monarchistes du pouvoir de M.Bouteflika. En cela, on peut dire que c'est un visionnaire. Ensuite, ce livre est attendu par tous ceux qui ont suivi le parcours de Mohamed Benchicou, au moins depuis l'avènement du pluralisme de la presse. Notamment depuis son fameux Rentrez vos chiens M.Betchine, qui restera dans les annales de la presse algérienne à la fois comme un cri de révolte d'un citoyen excédé par les manigances d'un pouvoir aux tendances dictatoriales, que comme un acte de bravoure d'un journaliste qui n'a que son stylo et sa feuille blanche pour s'opposer au diktat des appareils répressifs de l'Etat. Disons tout de suite: on peut ne pas partager les idées de Mohamed Benchicou, et c'est le cas de votre serviteur, mais on ne peut pas ne pas lui reconnaître ce panache et cette capacité à croiser le fer avec un pouvoir dont il n'a cessé de dénoncer les pratiques fourbes et florentines et les pulsions dynastiques. Assurément, ce livre de Mohamed Benchicou, comme l'ensemble de ses chroniques dans les colonnes du journal Le Matin, va élever la qualité du débat. On reconnaît surtout que dans sa fronde contre le régime de M.Bouteflika, Benchicou a été constant dans ses critiques, depuis la campagne électorale de 1999 et l'idée même d'un candidat du consensus parrainé par les décideurs de l'ombre. Bench y voyait une pratique éculée à remiser aux vestiaires pour permettre l'émergence de traditions saines et pour rendre au peuple son droit souverain à désigner en toute démocratie ses dirigeants, parce qu'un million et demi de chouhada se sont sacrifiés pour cela. C'est une question de nif et de légitimité. Il semble que le temps a donné raison à Benchicou. On y reviendra.