C'est au moment où les comptes du quotidien sont bloqués, que le directeur du journal Le Matin annonce qu'il va publier un livre avec le panache d'un pamphlétaire. La mise sous contrôle judiciaire du directeur de publication du journal Le Matin, Mohamed Benchicou, n'aura pas été contre-productive puisqu'elle lui aura permis de prendre tout son temps à écrire un livre, un livre dont les observateurs s'attendent déjà à ce qu'il fasse du bruit et des vagues dans le microcosme politique algérien, peut-être plus de vagues même que le livre du général Nezzar. Bench, comme le surnomment affectueusement les journalistes de L'Expression, et dont tout le monde lit avec intérêt les chroniques au vitriol qu'il signe en page 24 du journal Le Matin, nous arrive donc avec un livre qui sera publié dans deux mois, c'est-à-dire à une encablure de l'échéance présidentielle du mois d'avril prochain. Les révélations que ce professionnel de la plume promet de faire pèseront sûrement dans les débats et orienteront les thèmes de la campagne électorale, ce qui va obliger à placer la barre très haut et à aborder l'échéance sous l'angle un peu plus intellectuel que d'habitude. Cela nous changera un peu des campagnes insipides où le candidat, dit du consensus, est élu avant même les résultats des urnes. Fait positif à mettre au crédit de Benchicou, c'est qu'il est l'un des rares directeurs de journaux à s'impliquer en tant que journaliste et éditorialiste, les autres directeurs de journaux se contentant de n'être que de simples gérants, plus préoccupés des questions d'intendance que des choses de l'esprit. L'autre aspect à relever dans la publication de ce livre de Benchicou est le fait qu'il ouvre la voie aux autres directeurs de journaux dans le domaine de l'édition. Déjà on susurre que Ahmed Fattani, le directeur de L'Expression, a aussi sous le coude un livre qu'il compte mettre sur le marché dès que les conditions s'y prêteront. Gageons donc que la scène éditoriale s'enrichira à coup sûr d'autant de titres qui viendront garnir les rayons des bibliothèques et contribueront à rehausser le débat culturel et intellectuel dans notre pays. La qualité de l'écrit ne s'en portera que mieux. Ce pamphlétaire de talent qu'est Mohamed Benchicou nous promet un éclairage sur le débat politique en cours dans notre pays, et même si on n'est pas d'accord avec lui sur de nombreuses questions et qu'on ne partage pas ses propres positions politiques, le livre ne laissera personne indifférent et suscitera des réactions. Ce qui l'incitera sans doute lui-même à commettre un autre livre et à revenir encore plus fort. Quelle que soit l'issue du scrutin présidentiel, on aura au moins gagné quelque chose d'important. Les présidents passent, mais les livres restent. Et ce ne sont pas les amoureux de la littérature qui s'en plaindront. Autre fait, non moins important à relever, c'est que malgré tout le harcèlement dont il est l'objet de la part des princes qui nous gouvernent, Mohamed Benchicou ne se laisse pas abattre. Au contraire, il leur prouve qu'il tient bon, et que devant l'histoire, c'est lui qui aura raison. Un livre est fait pour durer, pour marquer son époque et peser sur l'actualité. Donc, quelque part, les gens qui le harcèlent outrageusement et au vu et au su de l'opinion nationale et internationale, loin de nuire à sa réputation, sont au contraire en train de lui rendre service, à lui, ainsi qu'à tous ceux qui se font fort de défendre la vérité et de ne pas baisser les bras devant l'adversité, surtout quand elle est le fait de gens du pouvoir. Il n'y a pas pire ennemi que celui qui se cache derrière l'anonymat d'un responsable illégitime et élu par la fraude et le truquage des urnes. Depuis le mois d'août dernier, Mohamed Benchicou est dans le collimateur de ces responsables d'opérette qui ont suspendu son journal et le maintiennent sous un contrôle judiciaire arbitraire. Tout l'arsenal des moyens de l'Etat a été déployé à la seule fin de faire plier un homme accusé d'avoir dénoncé l'arbitraire et la hogra. Mais cet homme ne recule pas et ne baisse pas les bras. Son moral est au beau fixe. C'est cette force tranquille d'un homme qui n'a de comptes à rendre qu'à sa conscience de journaliste et de chroniqueur qui est la cible des attaques dont il est l'objet. La dernière trouvaille qui a été utilisée contre lui, et peut-être qu'on ne s'arrêtera pas en si bon chemin, est le redressement fiscal dont est victime son journal dont on veut à tout prix faire taire la voix. Nous venons en effet d'apprendre que tous les comptes de l'entreprise ont été bloqués. Ainsi, des dizaines de travailleurs seront mis au chômage. Pour un pouvoir qui se targue d'avoir des scrupules sociaux, c'est un bel exemple de flagrant délit de mensonge et de déni de justice. On dit parfois qu'il est excessif dans ses jugements. Certes, mais il le fait avec panache, et en tout cas, les gens qui sont au pouvoir ont les moyens de se défendre et des relais pour le faire à leur place.