Après les policiers mardi, ce sont les recrues militaires qui ont été ciblées hier à Bagdad. Quatre vingt quatorze morts - le bilan est lourd et encore provisoire - ont été enregistrés hier et mardi dans deux attentats suicide contre les forces de sécurité irakiennes. Alors même que les Irakiens étaient encore sous le coup du carnage de mardi à Iskandariyah (ville au sud de Bagdad), dans lequel 55 jeunes recrues venues s'inscrire dans les rangs de la police ont laissé la vie, alors que 67 autres étaient plus ou moins gravement blessées, Bagdad était à son tour soulevée hier par une puissante explosion localisée dans le centre de recrutement de la nouvelle armée irakienne. Là aussi, ce sont des jeunes, répondant aux offres de recrutement de l'armée, qui ont été les victimes. Selon les chiffres donnés par les services hospitaliers de la capitale irakienne, il y avait 39 tués, alors que le nombre de blessés était encore inconnu. En fait, en moins de 24 heures, 94 Irakiens, la plupart des jeunes, ont trouvé la mort dans des actions de violence. Selon les premiers témoignages sur l'attentat d'hier, il s'agirait d'un attentat suicide à la voiture piégée. Pour le colonel Ralph Baker, «La voiture était chargée de 300 à 500 livres (environ 150 à 250 kg) d'explosifs. C'était un attentat suicide. La voiture était conduite par un homme seul». Un autre témoin raconte: «J'étais dans ma voiture et à dix mètres de moi il y avait une autre voiture qui roulait lentement. Tout à coup elle a explosé et ma voiture a été projetée contre un arbre». Il y a une dizaine de jours, le jour de l'Aïd El-Adha, un double attentat contre les permanences des partis kurdes, PDK et UPK, s'est soldé par la mort de 101 personnes, attentat estimé le plus meurtrier depuis que l'Irak est entré dans le cycle infernal de la violence. Ces attentats, ajoutés à la tentative d'assassinat du grand ayatollah Ali Sistani, outre une recrudescence certaine de la violence, montre la détermination de la guérilla irakienne à se battre sur deux fronts, contre l'occupation américano-britannique d'une part, contre la mise en place, par le nouveau pouvoir irakien des institutions de stabilisation de l'Etat, d'autre part. Revenant sur une idée qui circule depuis quelques jours à Washington, le général Richard Myers, chef d'état-major interarmées américain, affirme que la nébuleuse Al-Qaîda est derrière la recrudescence actuelle de la violence en Irak, mettant en avant le document révélé, lundi par le New York Times, et selon lequel Abou Moussab Al Zarkaoui - présumé proche du leader d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden - appelait «au déclenchement d'un conflit entre sunnites et chiites». Ces nouveaux développements sécuritaires ont quelque peu renvoyé en arrière-plan la mission de l'ONU sur la faisabilité des élections. Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, espère néanmoins pouvoir présenter son rapport au Conseil de sécurité d'ici la fin du mois en cours.