Plusieurs attentats, dont celui meurtrier à Bagdad, enfoncent un peu plus l'Irak dans le chaos. Depuis quelques jours et alors que la passation de pouvoir - le 30 juin - se rapproche, l'Irak s'est mis à une comptabilité macabre du prix qu'il aura sans doute à payer pour le retour à la sécurité et à la stabilité. Hier, en plein coeur de la capitale irakienne, un convoi de trois véhicules de transport des personnels de la coalition, a été l'objet d'un attentat suicide à la voiture piégée. Un premier bilan donnait le chiffre de douze morts, dont cinq étrangers, et plus d'une cinquantaine de blessés. Cet attentat kamikaze vient juste après celui de dimanche qui fit sept morts et 23 blessés, toujours dans la capitale Bagdad. Celle-ci, après une période d'accalmie, lorsque les confrontations se sont déplacées au centre du pays, à Falloujah, Najaf et Kerbala, renoue ainsi de manière spectaculaire avec la violence et sa cohorte de morts et de sang. Cette explosion de violence survient au moment où le ministre britannique de la Défense, Geoff Hoon, entamait une visite surprise à Bassorah où deux soldats britanniques avaient été blessés dans un attentat. La population irakienne, première victime de cette instabilité et des retombées de la violence, exprimant sa colère, était très remontée contre les Américains et le pouvoir transitoire irakien. Ainsi, les manifestants montraient-ils leur ras-le-bol aux cris de «Non, non à l'Amérique, non, non au Conseil de gouvernement» (mis en place par les Américains, dissous depuis la fin du mois de mai et remplacé par un «gouvernement intérimaire» avalisé par l'ONU). En fait, la situation en Irak devient chaque jour un peu plus inextricable et les déclarations des autorités provisoires de la coalition, CPA, ou la fermeté que veut montrer le cabinet, tout aussi provisoire, de l'actuel gouvernement irakien, ne peuvent masquer la réalité du terrain qui est tout à fait autre. Ainsi, après l'attentat de Bagdad, le Premier ministre du gouvernement intérimaire, Iyad Allaoui, promet-il de prendre des «mesures fermes» contre les auteurs de ces agressions, déclarant «Cinq étrangers ont été tués et trois autres blessés» faisant ressortir le fait que ceux-ci «aidaient l'Irak», ne donnant aucune précision sur l'attentat ou la nationalité des victimes, indiquant cependant que «les attaques vont se poursuivre (...) mais nous aurons une position ferme et nous allons remporter la victoire (contre les auteurs des attentats)». A l'instar du Premier ministre irakien, qui a fait l'impasse sur les nombreuses victimes irakiennes, le général américain Mark Kummit, chef adjoint des opérations militaires de la coalition, a, lui aussi, insisté sur le fait que l'attentat d'hier était «un autre exemple méprisable des attaques ciblées contre ceux qui sont en train d'aider à la reconstruction (de l'Irak)». Peu d'informations ont été divulguées sur la nationalité des victimes de l'attentat d'hier à Bagdad. C'est un diplomate qui, plus précis, a indiqué à la presse que «la coalition nous a informés qu'il y avait deux Britanniques, un Français, un Américain et un Philippin parmi les morts et les corps ont été transportés à la morgue de l'aéroport de Bagdad». Mais hier, en Irak, d'autres attaques sont venues alourdir un bilan déjà chargé des morts enregistrés lors d'une journée aussi sanglante que les précédentes, qui ont plongé l'Irak dans l'horreur quotidienne. A Bagdad encore, un civil, travaillant pour la coalition a été tué, à Mossoul, c'est un policier qui est tué par balles et deux de ses collègues blessés. A Mossoul toujours, quatre membres des forces de défense irakiennes (Icdc) ont été blessés au moment où, à Kirkouk, cinq recrues kurdes de la nouvelle armée irakienne étaient tuées et leurs corps brûlés. Comme l'indique le président désigné, du gouvernement provisoire irakien, la situation demeure «terrible» en effet, et le restera sans doute après le transfert de souveraineté prévu le 30 juin prochain. Dans une déclaration à la chaîne de télévision américaine, NBC, Ghazi Ajil Al-Yaouar, a ainsi indiqué que «cela va être terrible pendant un certain temps. Nous nous attendons à ce qu'ils tentent d'augmenter la violence pendant un certain temps». En fait, le gouvernement irakien actuel est pris dans le piége de la logique de la violence américaine qui a appelé à son tour la violence de la résistance irakienne. Il est patent que l'Irak est engagé dans la durée dans cette spirale de la violence qui ne verra son terme qu'avec le départ des forces étrangères et l'organisation d'élections libres donnant au peuple irakien l'occasion de choisir ses dirigeants. A l'évidence on n'en est pas (encore) là.