L'attentat de Reyhanli est le plus meurtrier depuis plusieurs années en Turquie Neuf personnes ont été interpellées hier en Turquie après le double attentat qui a fait 46 morts dont Ankara a attribué la responsabilité au régime de Damas qui a démenti toute implication. Au lendemain de cette attaque qui a réveillé les craintes de débordement du conflit syrien, le vice-premier ministre turc Besir Atalay a annoncé que ces neuf personnes, toutes de nationalité turque, appartenaient à «une organisation terroriste en contact avec les services de renseignement syrien», ajoutant que certaines avaient fait des «aveux». M.Atalay a également indiqué que 38 des 46 personnes tuées dans l'attaque avaient été identifiées et que 35 étaient de nationalité turque et trois autres syrienne. Quelques heures après la double explosion, le ministre de l'Intérieur Muammer Güler avait affirmé dès samedi soir que les responsables de l'explosion de deux véhicules bourrés d'explosifs devant la mairie et la poste centrale de Reyhanli, une ville de 60.000 habitants où vivent de nombreux réfugiés syriens, étaient «liés à des organisations soutenant le régime syrien et ses services de renseignement». Hier, M.Güler s'est refusé à en dire plus sur l'identité des suspects et la nature de leur groupe, mais il a indiqué qu'il s'agissait d'activistes «dont on connaît les noms et les activités» et leurs «contacts étroits» avec le régime syrien. «Nous avons identifié ceux qui étaient les organisateurs, ceux qui ont effectué des reconnaissances, ceux qui ont déposé les véhicules», a-t-il déclaré. Plusieurs journaux turcs ont évoqué hier la piste d'un groupuscule clandestin turc de gauche, les Acilciler, dont le chef Mihraç Ural aurait trouvé refuge en Syrie à la fin des années 1970. Le quotidien pro-gouvernemental Sabah a rapporté lundi dernier que Mihraç Ural avait participé récemment à des exactions contre la population dans le nord-ouest de la Syrie. M.Güler a souligné qu'un des objectifs des instigateurs de l'attaque était de «provoquer des tensions entre les gens qui vivent ici (à Reyhanli) et ceux (les Syriens) qui y sont hébergés comme des invités dans un but humanitaire». Le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a mis en garde samedi les auteurs de l'attentat, d'où qu'ils viennent. «Les coupables en paieront le prix, qu'ils viennent de l'intérieur ou de l'extérieur du pays», a-t-il dit lors d'un déplacement à Berlin. Le ministre a par ailleurs prévenu que les forces de sécurité turques «ont pris des mesures». «Nous ne permettrons pas de telles provocations dans notre pays», a-t-il assuré. Ces assurances n'ont pas empêché les critiques de se multiplier dans la presse et l'opposition concernant la politique de soutien à la rébellion syrienne et d'accueil de réfugiés syriens, au nombre de 400.000 actuellement. «La Turquie semble s'enfoncer dans le marécage syrien. (...) Depuis des mois, elle est devenue partie prenante dans cette guerre civile en soutenant directement l'opposition», a estimé l'éditorialiste Can Dündar dans le quotidien Milliyet. «Le gouvernement aurait dû prévoir la réaction de Damas et prendre les mesures nécessaires pour protéger la population», a-t-il ajouté. Plus critique, Orhan Bursali, du quotidien d'opposition Cumhurriyet estimait que «ce massacre est le produit des politiques belliqueuses du pouvoir» turc. Le chef de l'opposition sociale-démocrate, Kemal Kiliçdaroglu, a quant à lui appelé le gouvernement à «revoir sa politique étrangère». Dans Zaman, proche du gouvernement, Abdülhamit Bilici a mis en garde: «nous sommes engagés dans une guerre qui ne dit pas son nom avec une Syrie qui partage avec nous une frontière de 910 km. Nous pouvons à chaque instant être confrontés à des attaques encore pires». A Reyhanli même, où avaient lieu hier les enterrements des premiers corps identifiés, la tension était vive entre les habitants et les nombreux syriens installés dans la ville et dans un camp de réfugiés proche. «On veut juste qu'ils partent. Rien de tout cela ne serait arrivé s'ils n'étaient pas là», a déclaré un habitant de la ville. Samedi, la police a dû tirer en l'air pour disperser des groupes de jeunes voulant agresser des Syriens.