Dès lors que le salaire d'un «job» n'est plus tabou parlons-en! Ces derniers jours, il a été beaucoup question des émoluments estimés «fastueux» octroyés aux députés et aux sénateurs. Alors, ces salaires sont-ils exagérés, moyens, acceptables, mérités? En fait, comment juger de la mesure ou de la démesure d'un salaire donné et dire qu'il est justifié ou non? Qui intervient dans la détermination et l'appréciation des appointements donnés aux uns et aux autres? Plutôt, selon quels critères s'évalue le salaire d'un député, d'un ministre, d'un professeur d'université, d'un professeur de médecine des hôpitaux ou d'un...joueur de football? Nous ne parlons pas du travailleur lambda soumis au Snmg (Salaire national minimum garanti). Il est évident que le salaire d'un député ou d'un professeur d'université n'entrent pas dans cette catégorie. La presse s'est largement fait l'écho ces derniers jours, de l'augmentation des indemnités des députés et des sénateurs qui devaient passer de 30 millions de centimes à 40 millions de centimes. Cela a été le tollé, autant dans les médias - qui insistèrent lourdement sur le chiffre qui leur paraissait hors du commun - que parmi la population. Pourquoi? Pourquoi, n'a-t-on pas été choqués par les mensualités attribuées aux professeurs d'université et professeurs de médecine des hôpitaux - qui forment les futurs cadres du pays - dont les rémunérations en fin de carrière n'atteignent pas les 10 millions de centimes par mois? Comment, dans le même ordre d'idées a-t-on fait motus sur les salaires octroyés aux footballeurs «professionnels» estimés entre 80 et 200 millions par mois en moyenne? Nous avons même lu dans un quotidien sportif une information, selon laquelle un joueur se serait mis d'accord pour être transféré dans un autre club pour «seulement» 200 millions par mois. Oui, «pour seulement 200 millions par mois». Si vous n'êtes pas choqués par ce chiffre - comme s'il entrait dans l'ordre des choses - nous, si! Surtout en rapport du bruit fait autour des 40 millions des députés. Attention, cela ne veut point dire que nous approuvons ce salaire, mais il y a un rapport de valeurs: un député payé 40 millions choque, un footballeur qui réclame 300 millions par mois, fait moins de vagues. Il faut donc relativiser. Chaque travail mérite salaire. Reste à connaître les critères à partir desquels est déterminée la valeur d'une fonction et les indemnités «convenables» à lui allouer. En fait, la réalité est sans doute plus complexe, selon l'angle sous lequel on envisage la chose. La lecture de la fiche de paie d'un député, d'un ministre, surprend ou laisse dubitatif, entraînant des réactions convenues. Le salaire mensuel octroyé à ces hauts cadres et commis de l'Etat est-il en rapport avec la stature et les missions qui leur sont inhérentes ou, au contraire, sont-ils gâtés et touchent-ils une indemnité injustifiée? On peut reposer cette question pour les hauts cadres (les universitaires qui galèrent et marchent dans les rues pour faire valoir leurs droits, sont de cette catégorie) et de s'interroger sur des salaires qui ne sont pas (toujours) représentatifs de l'apport de ces travailleurs «hors cadre». Aussi, sur quelle base est calculé le salaire moyen d'un député, d'un ministre, d'un P-DG (hors indemnités subsidiaires): obéit-il à un mécanisme général de la Fonction publique ou relève-t-il d'autres mécanismes et paramètres que l'on peine à imaginer? Aussi, la question n'est pas de débattre sur le fait que le salaire du député, du ministre, du P-DG soit trop élevé ou dérisoire. La vraie interrogation est de savoir si l'indemnité allouée par l'Etat à ses «hauts cadres» est conforme à l'idée que les gens se font des missions qui sont les leurs et, plus encore, celle que l'Etat s'en fait lui-même (eu égard aux bastonnades dont ont été victimes des universitaires). Nous avons évoqué le salaire des footballeurs. Un journal sportif «spécialisé» a affirmé récemment dans une de ses éditions que la Sonatrach - qui a racheté le club - va plafonner les salaires des joueurs du MCA à 200 millions par mois. L'entreprise nationale n'a pas démenti, c'est donc une sorte d'«officialisation» de ces salaires hors normes. Question: une société publique (qui puise donc dans le Trésor de l'Etat) peut-elle octroyer de tels salaires? Si oui, quel est le salaire de son P-DG (un milliard par mois?), de ses cadres? Il y a un juste milieu, certes, mais où est-il? Qui le détermine et détermine la valeur du travail fourni en contrepartie? Dans une société où l'Etat reste le principal employeur - les privés sont encore trop marginaux pour entrer en ligne de compte - c'est celui-là le vrai débat.