La révision de la grille des salaires reste un sujet toujours d'actualité. Pays le plus riche du Maghreb grâce à ses revenus pétroliers et ses 140 milliards de dollars de réserves de changes, l'Algérie offre, en effet, des salaires moins élevés que ses voisins. Mais au-delà de cette comparaison avec les pays voisins, il serait utile de se pencher sur le système salarial national qui, de prime abord, fait ressortir une disparité criante entre différentes catégories de salariés. Ainsi, au moment où la quasi-totalité des salariés, notamment ceux de la Fonction publique dont le gros des troupes se recrute dans l'éducation nationale et la santé, ne cessent de réclamer une revalorisation de leurs salaires, l'Etat se montre particulièrement généreux vis-à-vis de certaines catégories “privilégiées”. En effet, le critère selon lequel la rémunération doit tenir compte du résultat, voire de l'efficacité, ne semble pas s'appliquer à tous. Pour preuve, l'Etat a décidé, en septembre dernier, d'une augmentation des salaires des députés de 300%. Un membre de l'APN ou du Sénat touche désormais un salaire de 30 millions de centimes, sans compter les primes et autres avantages, contre 13 millions de centimes auparavant. Le triplement des salaires des députés qui représentent plus de 25 fois le salaire minimum (le Smig est de 12 000 DA) a choqué beaucoup d'Algériens. Si cette augmentation salariale des parlementaires a fait la une de toute la presse, il semblerait que, plus discrètement, le gouvernement a également revu à la hausse les rémunérations des ministres, des walis et des directeurs des grandes administrations publiques. Les salaires des membres du gouvernement se situent actuellement entre 330 000 et 350 000 dinars, selon l'importance du ministère, contre 120 000 à 140 000 dinars avant l'augmentation. Pour leur part, les walis ont vu leurs salaires tripler. Ils sont passés de 50 000 dinars à 150 000 dinars. Enfin, les salaires des directeurs des grandes administrations ont également été revus à la hausse. Par ailleurs, les indemnités des magistrats ont également été augmentées, ainsi que leurs salaires qui ont été alignés sur ceux des députés et des ministres, à la faveur du décret présidentiel du 5 octobre dernier déterminant les modalités de déroulement de la carrière des magistrats et leur rémunération. Le salaire brut sans l'indemnité de responsabilité est ainsi porté à plus de 20 millions pour les magistrats classés au premier groupe, selon la nouvelle nomenclature. Ce premier groupe comporte les premiers présidents de la Cour suprême, le président de la Cour d'Etat, les procureurs généraux de la Cour suprême et les commissaires d'Etat près le Conseil d'Etat. Pour ce premier groupe, l'indemnité mensuelle de responsabilité s'élève à 50 000 dinars. Tandis que le second groupe et qui concerne les vice-présidents de la Cour suprême, les vice-présidents de la Cour d'Etat, les procureurs généraux-adjoints près la Cour suprême, les vice-commissaires d'Etat près le Conseil d'Etat, les présidents de chambre à la Cour suprême et les présidents de chambre au Conseil d'Etat, leur salaire brut sera désormais de 201 732,50 dinars alors que leur indemnité est de 30 000 dinars. Les autres salaires varient entre 197 315 et 105 545 dinars pour un magistrat stagiaire. Leurs indemnités mensuelles de responsabilité oscillent entre 14 000 et 20 000 dinars. Comparé aux 6 millions de centimes par mois que touche un chef d'entreprise publique, ces salaires octroyés aux élus et aux ministres renseignent sur la disparité criante qui caractérise le système salarial national. Il convient de relever à ce titre que les modestes salaires dans le secteur public sont derrière la fuite de milliers de cadres vers le secteur privé étranger. D'ailleurs, c'est justement au niveau du secteur privé étranger que l'on constate une autre forme de disparité salariale. En effet, entre employés algériens et expatriés des firmes étrangères, le principe dû “à travail égal, salaire égal” n'est pas du tout de mise. Les étrangers touchent jusqu'à 150 fois plus que les nationaux. À titre d'exemple, les quelques expatriés travaillant pour ADP à l'aéroport d'Alger touchent, selon des indiscrétions, 16 000 euros par mois. Durant sa campagne électorale, le candidat Bouteflika a promis une augmentation des salaires. Elu confortablement, le président Bouteflika tiendra sans aucun doute ses engagements en ce qui concerne cette augmentation du salaire national minimum garanti. Mais quel que soit le niveau de cette augmentation, elle sera loin d'atténuer les disparités qui minent le système salarial national. Saïd Smati