Le général à la retraite, qui avait toutes les raisons de croire que l'armée serait neutre, a-t-il changé d'avis chemin faisant ? C'est désormais officiel. Le général à la retraite, Rachid Benyellès, un des premiers à annoncer sa candidature à la magistrature suprême, anime aujourd'hui une conférence de presse au siège de sa permanence électorale en vue d'annoncer son retrait de la course électorale. En attendant que toutes les explications en soient fournies, cette sortie ouvre la voie à moult spéculations, mais aussi à un nombre important d'interprétations. Ainsi, est-il permis de dire, d'entrée de jeu, que cette sortie intervient une semaine après celle, identique, de Mouloud Hamrouche. Ancien militaire et membre du groupe des dix, lui aussi, ce dernier avait expliqué sa démarche par les simples «interrogations» relatives au rôle que jouerait l'armée lors des prochaines consultations électorales. Hamrouche, en attendant des réponses dans les jours ou semaines prochains, avait supposé soit que cette institution était revenue sur sa décision de neutralité, soit qu'elle avait été neutralisée par des groupes d'intérêts qui restent encore à définir. A en croire des sources dignes de foi, Hamrouche aurait même émis en privé une troisième hypothèse, la plus plausible sans doute, mais dont rien n'a filtré jusqu'à présent. Contrairement à lui, donc, le général à la retraite Rachid Benyellès n'a raté aucune occasion pour mettre en avant la «neutralité de l'institution militaire». L'homme, qui a derrière lui une carrière irréprochable, a de bonnes raisons de se targuer d'entretenir d'excellentes relations, tant personnelles que familiales, avec de nombreux hauts responsables des Tagarins. Dans l'entretien qu'il nous avait accordé quelques jours avant qu'il n'officialise sa candidature, il mettait en avant les «garanties» et les «bonnes raisons» qu'il avait de croire que l'engagement de cette institution était sans faille. C'est partant de ce supposé «axiome» que Benyellès nous avait assuré ne pas vouloir se retirer quelle que soit l'évolution de la situation politique dans le pays, refusant au passage de se faire qualifier de lièvre, que ce soit pour Bouteflika, ou pour quelqu'un d'autre. Il est vrai que, chemin faisant, le groupe des dix avait souligné, désabusé, que ce retrait avait créé un déséquilibre dans les rapport de force, permettant aux hommes du «président-candidat» d'accaparer tous les leviers de commandes pour assurer sans encombres un second mandat à leur «poulain». Le mémorandum qui a été adressé par le groupe aux institutions nationales et internationales, à la suite de la rencontre qu'il avait eue avec l'envoyé spécial du président Bush, est demeuré sans écho, semble-t-il. Ainsi, la décision de Hamrouche a-t-elle provoqué une sorte d'effet d'entraînement dans le découragement de l'opposition politique qui, de plus en plus, éprouve le sentiment du combat de David contre Goliath ou, pire, du pot de terre contre le pot de fer. Benyellès, qui ne ratait pas, non plus, une seule occasion de dire que la raison principale de sa candidature était de faire barrage à Bouteflika, estime peut-être que le meilleur moyen de poursuivre le combat, dans l'état actuel des choses, serait d'annoncer un retrait anticipé dans le but d'alerter l'opinion publique nationale et internationale sur cette «fraude annoncée» et qui ne fait plus l'ombre d'un doute aux yeux de tout acteur ou observateur politique averti. L'on croit savoir que d'autres candidats membres du groupe pourraient rejoindre Hamrouche et Benyellès. Il s'agit, présumons-nous, de Mokdad Sifi et Ahmed Benbitour. Ces derniers, même s'ils justifiaient leur décision par la dénonciation de la fraude, ils auraient quand même du mal à démontrer que cela n'a rien à voir avec les difficultés éprouvées dans la collecte des signatures. Sifi, qui avait réussi à dépasser ce difficile cap en 1999, était servi par une conjoncture favorable, à savoir la toute puissance du RND à cette époque et l'existence d'une aile importante qui lui était favorable. Rien de cela n'existe, aujourd'hui. Face à cette tendance, des candidats comme Taleb, Benflis et Sadi maintiennent résolument le cap. C'est dans le but d'éviter que le groupe des dix ne se désagrège dans une phase aussi sensible et aussi difficile que ses membres ont décidé, lundi au siège du parti de l'ANR, de s'entendre sur un minimum démocratique consensuel, tout en laissant chacun libre de ses mouvements, décisions et déclarations concernant sa prochaine stratégie électorale.