Le parc Gezi évacué samedi soir par la police à coups de gaz lacrymogène et de jets d'eau Délogés samedi soir du parc Gezi par les gaz lacrymogènes et les canons à eau, les contestataires se sont promis de revenir sur la place Taksim, le berceau du mouvement qui agite la rue turque. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan réunissait hier des dizaines de milliers de partisans à Istanbul, après une nuit de violents affrontements provoqués en ville par l'évacuation de force du dernier bastion des manifestants qui réclament sa démission. Hier matin, d'importants effectifs de police interdisaient strictement l'accès à la place, livrée aux seuls engins de nettoyage de la ville qui achevaient d'effacer les dernières traces des violences de la nuit. Dans le quartier de Sisli, à quelques centaines de mètres de la place Taksim et du parc Gezi, la police a dispersé dans la matinée les jeunes manifestants à coups de gaz lacrymogènes et de jets d'eau. Parallèlement, et pour la première fois à Istanbul depuis le début de le contestation populaire, des unités de gendarmerie, une force militaire dépendant en temps de paix du ministère de l'Intérieur, ont été déployées à l'entrée d'un des deux ponts enjambant le Bosphore pour protéger la rive européenne de tout rassemblement de manifestants venant de la partie asiatique d'Istanbul. A Ankara, la police affrontait également des centaines de manifestants qu'elle dispersait à coups de salves de gaz lacrymogènes. Après un premier rassemblement géant samedi à Ankara, le chef du gouvernement a prévu une nouvelle démonstration de force dans l'après-midi dans un parc d'Istanbul, à une dizaine de kilomètres à vol d'oiseau seulement de la place Taksim. Des dizaines de milliers de sympathisants de son Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) y sont attendus. Au 15e jour de la crise, M.Erdogan était passé samedi soir à l'action pour mettre un terme à la contestation après le refus des occupants du parc Gezi de quitter leur place forte malgré la promesse du gouvernement de suspendre ses projets d'aménagement contestés jusqu'à ce que la justice tranche définitivement. Deux heures après un nouvel ultimatum, les unités anti-émeutes de la police ont repris le contrôle du parc qu'elles ont vidé en quelques minutes de ses milliers d'occupants en les noyant sous un nuage de gaz lacrymogènes. Selon la coordination des manifestants, baptisée Solidarité Taksim, des «centaines» de personnes ont été blessées lors de l'opération. Le gouverneur d'Istanbul Huseyin Avni Mutlu a évalué hier à 44 leur nombre. Le vice-Premier ministre Huseyin Celik a justifié l'évacuation du parc. «Le gouvernement ne pouvait pas laisser cette occupation continuer éternellement», a plaidé M. Celik hier, «ce cauchemar devait se terminer». A peine connue la nouvelle de l'évacuation du parc, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue à Istanbul pour tenter de «reprendre» la place Taksim. Toute la nuit, la police est intervenue à grand renfort de gaz, de canons à eau et de tirs de balles en caoutchouc pour disperser la foule sur plusieurs artères de la ville. Plusieurs milliers de personnes qui tentaient de rallier le versant européen de la ville ont été dispersées sur l'un des deux ponts qui enjambent le Bosphore. A Ankara et Izmir (ouest) notamment, des milliers de manifestants se sont également rassemblées dans la nuit pour dénoncer l'intervention de la police, sans incident. La colère provoquée par cette opération a suscité la plus vaste fronde contre le gouvernement islamo-conservateur depuis son arrivée en pouvoir en 2002. Dans les grandes villes du pays, des dizaines de milliers de manifestants ont exigé la démission de M.Erdogan, accusé de dérive autoritaire et de vouloir islamiser la société turque. Selon le dernier bilan du syndicat des médecins turcs, 4 personnes sont mortes et près 7.000 autres ont été blessées depuis le début de la contestation le 31 mai.