La guillotine de sinistre mémoire C'est pour assouvir la haine des colons que Ahmed Zabana et Abdelkader Ferradj furent livrés à la guillotine en ce 19 juin 1956, suivis par des dizaines de patriotes algériens. La proclamation du 1er Novembre 1954, édictée par la direction du FLN, ordonnait à ses militants de préserver la vie des civils européens et leurs biens, compte tenu de cette décision, les groupes de Mustapha Fattal, premier responsable des structures armées dans la capitale durant les années 1955, ne visèrent que des objectifs à caractère économique ainsi que des indicateurs policiers et autres gardiens de prison pour leurs mauvais traitements infligés à l'encontre des détenus dans les geôles coloniales. Pourquoi le FLN s'en ait pris aux Européens civils d'Algérie. Pour en connaître les tenants et les aboutissants de cette décision? L'affaire remonte au 18 mai 1956, suite à une embuscade tendue par Ali Khodja et son commando contre un convoi militaire français dans les gorges de Palestro. Lors de cet accrochage, Ali Khodja réussit à capturer cinq soldats français. Quelques jours plus tard, ces prisonniers furent libérés par Ali Khodja. Aussitôt, De Serigny, directeur du journal L'Echo d'Alger, principal porte-parole du lobby colonial, se saisit de cet événement en étalant en première page de son journal que les cinq soldats prisonniers furent libérés grâce à une opération de grande envergure entreprise par les parachutistes du général Massu qui réussissent à mettre hors de combat les rebelles... Cependant, cette affaire suscita beaucoup d'interrogations dans les milieux français d'Outre-mer à la suite d'un compte-rendu d'un des cinq soldats soi-disant libérés par les parachutistes français. Il s'agit du sergent Pierre Dumas qui a démenti formellement les allégations de la presse coloniale, celui-ci questionné, raconte: «J'appartiens à une compagnie sous les ordres du lieutenant Harti. Après avoir traversé plusieurs villages, vers 11 heures, nous sommes arrivés dans un endroit particulièrement sauvage et accidenté. Nous marchions en colonne, le lieutenant Harti en tête. A 30 mètres de nous, brusquement, une fusillade éclata. On nous tira dessus à la mitraillette et au fusil. Le feu des rebelles fut particulièrement meurtrier. Des blessés achevés Au bout de quelques minutes de combat, la plupart de mes camarades avaient été tués, nous étions cinq survivants de la compagnie. Le sergent Charnier, le caporal-chef Aurouseau, le soldat Caron, Millet et moi, les rebelles surgirent alors et nous arrachèrent nos armes. Il étaient une trentaine. Les blessés seront soignés, dit leur chef. Nous étions leurs prisonniers. Déjà, nous nous éloignons du lieu de l'embuscade, à environ 2 km, et après une longue escalade ce fut enfin la halte. Les rebelles mangèrent et nous donnèrent à manger, ils nous avaient même permis d'écrire à nos familles. Quelques jours plus tard, les prisonniers furent libérés par Ali Khodja qui les laissa au bord de la route. Ainsi, en s'illustrant de par ses exploits dans la lutte, et son sens de l'humain envers ses prisonniers, Ali Khodja a su transmettre un message sur la grandeur des combattants algériens, taxés d'assassins par la presse coloniale. A noter que durant la même période, les responsables de l'administration coloniale ordonnèrent à leurs soldats d'abattre sur le champ les rebelles pris les armes à la main. C'est ainsi que plusieurs combattants algériens blessés furent achevés sur le champ de bataille et les rares rescapés sont deférés devant les tribunaux militaires, suivis par un jugement rapide et sans appel et la guillotine se charge du reste... Cependant, pour en revenir au directeur de L'Echo d'Alger, celui-ci digéra mal ces déclarations et s'interroge sur les prétendus envois de lettres aux familles des prisonniers, comment les rebelles dans les profondeurs d'un maquis peuvent transmettre des lettres en France! Mais après enquête dans certains milieux autorisés, il s'est avéré que ces missives étaient bien arrivées aux parents des prisonniers français et dans lesquelles ces derniers expliquent que durant leur détention dans le maquis, ils ont admiré la conduite exemplaire et organisationnelle des soi-disant rebelles qui luttent pour une cause juste. Cette affaire fut étouffée cependant, par la presse coloniale et plus particulièrement L'Echo d'Alger. Ce fut un véritable camouflet, discrédités, humiliés par leurs propres soldats, et c'est face à cet affront que le lobby colonial exigea du gouvernement français de mettre en exécution rapide les sentences prononcées à l'encontre des patriotes condamnés à mort. Notons, pour rappel, que tous les gouvernements français depuis Violette à Châtaignoux, se sont assujettis aux lois imposées par les colons d'Algérie et c'est ainsi que pour assouvir leur haine, Ahmed Zabana et Abdelkader Ferradj furent livrés à la guillotine en ce 19 juin 1956, suivis par des dizaines de patriotes algériens et c'est grâce à l'implication des Européens d'Algérie contre la Révolution algérienne que le FLN entreprit des représailles à leur encontre. Cependant, il convient de souligner que beaucoup d'Européens libéraux qui, par leur conviction dans la justesse du droit du peuple algérien, se sont pleinement investis aux côtés du FLN pour combattre l'injustice. Quant à Ali Khodja, ce grand combattant qui a marqué son empreinte en donnant des leçons de guerre aux stratèges et autres théoriciens français, est tombé au champ d'honneur le 11 octobre 1956 à Bordj El Kiffan, lors d'une visite à des combattants blessés, soignés dans un hôpital aménagé à l'intérieur de la ferme du docteur Ben Merabet. Avant de terminer ce chapitre, je voudrais ouvrir une parenthèse sur le manque de lucidité ou de maturité politique de certaines personnes qui veulent accréditer la thèse, selon laquelle, le général de Gaulle a offert l'indépendance à l'Algérie oubliant de ce fait, les milliers de martyrs qui se sont sacrifiés pour la libération de ce pays. Aussi, face à ces idées rétrogrades, je voudrai que ces gens sachent que c'est surtout depuis son arrivée à la magistrature suprême de l'Etat français en 1958, que le général de Gaulle, dans le but de préserver l'Algérie, avait ordonné à ses officiers d'intensifier les opérations militaires pour détruire le potentiel humain et militaire de l'ALN dans les maquis, et le plan du général Challe fut l'illustration jamais égalée depuis le début des événements d'Algérie, et c'est sous son autorité que des milliers de citoyens croupissaient dans les prisons et autres centres d'internement et c'est également sous son autorité que près de 3 millions de villageois furent arrachés de leur douars et parqués dans des centres de regroupement dans des conditions inhumaines. Et ce n'est qu'après de vaines tentatives de vaincre militairement la révolution algérienne d'autant plus que la guerre urbaine s'était réanimée en 1959 après une brève accalmie à la suite du démantèlement de la Zone autonome d'Alger (ZAA) durant l'année 1957. Comprenant que l'Algérie est devenue un gouffre engloutissant des dépenses ruineuses et inutiles avec une armée composée de plus d'un million de soldats pataugeant dans le bourbier algérien, ce qui laisse entrevoir des prévisions néfastes pour la France qui perdra par le déséquilibre des forces, sa position de grande puissance dans le concert des nations. La dernière carte du Général C'est aussi, face à l'hostilité grandissante du peuple français qui supporte le fardeau de la guerre dans sa classe sociale, et c'est en voulant d'abord sauver la France de cette situation désastreuse que le général, en fin manoeuvrier, tenta de jouer la dernière carte politique avec l'idée subtile de manipuler le peuple algérien en lui faisant miroiter l'instauration d'un Etat algérien par un stratagème qui consiste à isoler le FLN et coiffer le gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra) en mettant sur la sellette une 3e force qui, au nom de l'Algérie algérienne, négociera avec la France, et c'est ainsi que fut manipulée la manifestation du 11 Décembre 1960, mais peine perdue, puisque le peuple algérien a démontré qu'il n'était pas dupe, déjouant la stratégie du général de Gaulle en criant son attachement au Gpra comme étant le seul interlocuteur valable, malgré ce pas immense qui a permis de mettre fin au mythe de l'Algérie française prêché par le lobby colonial. La lutte fut encore longue et pleine de sacrifices. Ce n'est que deux années plus tard, que le gouvernement français a fini par céder et s'asseoir à la table des négociations et enfin, reconnaître le droit du peuple algérien à la liberté et à l'indépendance, après 132 ans d'occupation. Et pour l'intelligence des faits, je me permets d'ajouter que si le général de Gaulle avait voulu accorder l'indépendance à l'Algérie, il l'aurait fait en tant que chef de la France libre, compte tenu de sa promesse faite en 1942 aux indigènes (étant donné que la citoyenneté était réservée aux Européens d'Algérie) de participer à la libération de la France occupée par l'Allemagne en contrepartie de l'indépendance de l'Algérie ainsi comme le stipulait également le Pacte de l'Atlantique promulgué par le président américain de l'époque, Franklin Roosevelt, et c'est grâce à cet engagement qui fut le prix du sang que des milliers de tirailleurs indigènes participèrent en tant que chair à canon sur tous les fronts pour la libération de l'Europe, et le 8 Mai 1945, pendant que le monde entier célébrait dans la joie et l'allégresse la victoire sur le nazisme, le peuple algérien, en guise d'ingratitude, a eu droit à une terrible répression historiquement marquante. Alors Messieurs, retenez la leçon.