De plus en plus de ministres israéliens s'opposent ouvertement à la création d'un Etat palestinien que tente de promouvoir John Kerry, de retour demain dans la région pour tenter de relancer des négociations de paix. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu se dit favorable à «un accord fondé sur un Etat palestinien démilitarisé qui reconnaît l'Etat juif et des mesures de sécurité fermes, assurées par l'armée israélienne». Mais les durs de son gouvernement n'hésitent pas à le contredire, rejetant un Etat palestinien même à ces conditions, pourtant jugées inacceptables par le président palestinien Mahmoud Abbas. Le chef du Foyer Juif, un parti nationaliste religieux, et ministre de l'Economie Naftali Bennett s'est illustré la semaine dernière en comparant la présence des Palestiniens à «un éclat dans le postérieur qu'il vaut mieux garder, quitte à en souffrir de temps en temps, plutôt que de subir une opération risquée pour se le faire enlever», en référence à un Etat palestinien. «Nous n'opposerons pas un veto à des négociations, nous ne ferons pas tomber le gouvernement pour cela», a-t-il néanmoins ensuite affirmé, estimant qu'il ne «sortirait pas grand chose» du cinquième voyage de M.Kerry dans la région depuis son entrée en fonctions en février. Le Premier ministre israélien a déclaré hier que le «but n'est pas seulement de débuter les négociations» mais de «nous engager dans les négociations pendant une durée sérieuse afin de tenter d'aborder toutes les questions et de parvenir à un accord qui résolve les questions fondamentales du conflit». M.Netanyahu faisait allusion à des informations des médias israéliens, démenties par la direction palestinienne, selon lesquelles M.Abbas aurait accepté, sous pression américaine, une rencontre avec M.Netanyahu. Au sein même du Likoud, le parti de droite nationaliste de M.Netanyahu, les partisans de la colonisation ont le vent en poupe. Le vice-ministre de la Défense Danny Danon s'est ainsi prononcé contre un Etat palestinien et a prôné la construction dans un projet de colonisation controversé qui couperait la Cisjordanie en deux, compromettant la viabilité d'un Etat palestinien. L'ex-ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman est allé jusqu'à affirmer que Mahmoud Abbas n'était pas un partenaire pour Israël. Dans l'autre camp, Tzipi Livni, la ministre de la Justice chargée des négociations de paix avec les Palestiniens gelées depuis trois ans, a dénoncé la progression de ces idées au gouvernement. «Le Premier ministre doit décider s'il laisse le +danonisme+ (en référence à M.Danon) dominer le gouvernement», a prévenu Mme Livni, la seule ministre à avoir fait de la relance des négociations avec les Palestiniens sa priorité. Yaïr Lapid, le ministre des Finances et chef du deuxième parti de la coalition, Yesh Atid (centre droit), s'est pour le moment rangé du côté du Premier ministre et préfère se concentrer sur les questions économiques et sociales. Confronté à une telle cacophonie et aux pressions américaines, M.Netanyahu doit louvoyer. «La véritable épreuve de force avec l'aile droite de la majorité ne s'engagera pas sur l'ouverture de négociations, mais sur des décisions concrètes comme un éventuel gel total de la colonisation», exigé par les Palestiniens pour reprendre le dialogue, explique Hanan Crystal, commentateur politique de la radio publique. Selon le quotidien Maariv, le Premier ministre pourrait consentir à des «gestes de bonne volonté» comme la libération de prisonniers palestiniens ou un gel partiel de la colonisation. Mais pour la radio militaire «une nouvelle fois, Netanyahu et Abbas risquent de se livrer au petit jeu d'échanges d'accusations», l'essentiel étant de ne pas porter la responsabilité de l'échec des efforts américains. «Les Palestiniens font tout ce qui est en leur pouvoir pour que les efforts de M.Kerry réussissent car il est dans notre intérêt de mettre fin à l'occupation. Mais Israël tente par tous les moyens de saboter ses efforts», a dit le négociateur palestinien Saëb Erakat.