Rédha Malek et Ali Haroun à la tribune Ils appartenaient à toutes les couches de la société. Ce sont, en majorité, des Européens. Très tôt, ils ont choisi leur camp en se ralliant à la cause algérienne durant la révolution. «M.le député, nous savons tous que vos amis algériens ont de faux papiers. S'ils respectent les lois allemandes et ne commettent pas d'actes répréhensibles dans le pays, nous fermons les yeux.» Cette confidence rapportée par un des invités du Forum d'El Moudjahid, consacré, hier, à la participation des Algériens d'origine européenne, émane de l'ancien chancelier allemand Adenauer qui l'aurait faite à Wisnieski, un vieil ami de l'Algérie. Hôte de la conférence, l'ancien Premier ministre et membre du Haut conseil d'Etat, M.Rédha Malek a évoqué, de nouveau la lutte de Libération nationale, en insistant sur la contribution de militants européens qui n'ont pas hésité, selon lui, à risquer leur vie pour servir la révolution. «L'une des caractéristiques de la révolution, c'était son ouverture sur le monde extérieur afin de sensibiliser l'opinion internationale et la rallier à sa cause», a-t-il confié. Persuadé que sans la solidarité et l'aide précieuse des Européens, l'indépendance du pays aurait été, sans doute, plus difficile à arracher. Le conférencier a assimilé la situation d'alors à une conspiration du silence et que pour la conjurer, il fallait absolument alerter l'opinion internationale. Les qualifiant de caractère unique, le conférencier a indiqué que «ces solidarités ont suscité l'adhésion et l'intérêt des Européens d'une manière générale et des Français plus particulièrement.» Citant l'exemple d'Henri Maillot, M.Malek a rappelé que c'est grâce à lui que d'importantes armes avaient pu être introduites en Algérie et confiées à Abane Ramdane, l'architecte de la révolution. Le réseau Jeanson, plus connu sous le nom de porteurs de valises a, lui aussi, beaucoup aidé la révolution. «Les porteurs de valises avaient fait un travail remarquable. Au péril de leur carrière, de leur liberté et leur vie, ils ont réussi à collecter des sommes d'argent considérables issues des cotisations de militants ou sympathisants et destinées à alimenter les caisses du FLN», a souligné l'ex-membre du HCE. Adressant une pensée particulière à tous ceux qui nous ont quittés, il a tenu à les remercier à titre posthume, en ajoutant que leurs noms resteront à jamais gravés dans les mémoires et qu'ils figurent en lettres d'or dans l'histoire de la révolution. Prenant la parole à son tour, l'ancien membre du HCE et de la Fédération FLN de France, Ali Haroun, a fait l'éloge de ceux qu'il appelle les réseaux européens du FLN durant la guerre de Libération nationale. Selon lui, «c'est le philosophe Francis Jeanson qui a, le premier, publié un livre intitulé l'Algérie Hors-la-loi, sur la révolution lorsque éclate le 1er Novembre 1954». Faisant l'éloge de ce militant de gauche, ami de Jean-Paul Sartres, l'orateur se rappelle du jour où il était venu en Algérie pour faire une conférence sur l'existentialisme. «Avant même qu'éclate la révolution, Francis Jeanson avait déjà pris conscience de l'inconscience des Français et l'avait clairement fait savoir», a-t-il mentionné. Afin d'éclairer l'opinion, il a tenu à expliquer que l'argent des cotisations qui était collecté en France n'a jamais quitté le sol français et que c'est grâce à des banquiers proches du FLN ou affiliés à ses réseaux que cet argent a été transféré légalement en Suisse pour alimenter le trésor de guerre du Front. Pour Ali Haroun, des militants de gauche, des intellectuels, des archevêques, des écrivains et des acteurs ont, eux aussi, beaucoup aidé la révolution. Parmi eux, figure Jacques Clerc que l'invité du forum classe comme le plus grand mathématicien de l'époque, Cécile Marion, actrice de théâtre et Dominique Daroi qui ont joué, selon lui, un grand rôle dans l'achat et l'acheminement des armes vers les maquis algériens. A l'issue de la cérémonie, des gerbes de fleurs ont été dédiées aux invités. Pour Anis Steiner, compagnon de lutte de Hassiba Ben Bouali, «c'est un moment fort à l'adresse de celles et ceux qui se sont engagés aux côtés de leurs frères algériens durant la révolution» C'est aussi ce qu'a souligné un autre Algérien d'origine européenne, qui a tenu à préciser cependant, «je m'insurge contre ceux qui affirment que des Français d'Algérie nous ont aidés. Je suis Algérien et le sang qui est dans mes veines est algérien.»