L'ancien Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, compte parmi les principales figures candidates à la magistrature suprême du Mali La campagne de la présidentielle du 28 juillet a débuté hier au Mali, pays qui a connu, en un an et demi, un coup d'Etat, l'occupation des deux-tiers de son territoire par des jihadistes et une intervention armée étrangère. La tenue de cette élection - six mois après le début d'une intervention armée de la France pour chasser les jihadistes qui occupaient le Nord et menaçaient d'avancer vers le Sud - est censée mettre fin à la plus grave crise de l'histoire récente du pays. Mais des candidats et analystes doutent et demandent un report de cette élection cruciale, en craignant un scrutin «bâclé» aux résultats «contestés». Il doit rétablir l'ordre constitutionnel interrompu par le coup d'Etat militaire du 22 mars 2012. Le président élu Amadou Toumani Touré avait alors été renversé juste avant une présidentielle à laquelle il ne se représentait pas, après dix années à la tête de l'Etat. Le capitaine Amadou Haya Sanogo avait pris le pouvoir pour deux semaines avant de devoir le rendre à des civils sous la pression internationale. Mais le putsch avait précipité la chute du nord du Mali aux mains de rebelles touareg et d'islamistes armés liés à Al Qaîda qui y ont commis pendant neuf mois d'innombrables exactions. Elles ont pris fin grâce à l'intervention de l'armée française à partir du 11 janvier, aux côtés d'une armée malienne humiliée par sa débâcle de 2012 et d'autres armées africaines. Ces troupes africaines ont été intégrées depuis le 1er juillet à une mission de stabilisation de l'ONU au Mali, la Minusma, actuellement composée de 6.300 hommes. Et la présidentielle sera le premier grand défi de la Minusma qui devra en assurer la sécurité avec, si besoin, le soutien des quelque 3.200 soldats français toujours présents au Mali. Des éléments jihadistes dits «résiduels» restent actifs et pourraient saisir l'occasion pour commettre un coup d'éclat sous forme d'attentats suicides, en particulier dans le Nord. Vingt-huit candidats, dont une seule femme, se présentent à ce premier tour. Parmi eux figurent les anciens Premier ministres Ibrahim Boubacar Keita, Cheick Modibo Diarra, Modibo Sidibé et Soumana Sacko, ainsi que Soumaïla Cissé, ancien président de la Commission de l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'Ouest (Uémoa). L'état d'urgence, qui était en vigueur depuis le 12 janvier, a été levé samedi pour permettre aux candidats de mener campagne et de tenir des réunions publiques. Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK, cacique de la vie politique malienne, devait tenir son premier meeting hier dans un stade de Bamako. Un autre candidat, Tiébilé Dramé, ancien ministre et artisan d'un accord entre le gouvernement de Bamako et la rébellion touareg signé le 18 juin à Ouagadougou, a vivement critiqué la tenue du scrutin si tôt sous la pression de la France. «Les conditions ne sont pas du tout réunies pour l'organisation du scrutin. Il y a de l'autisme de la part des pouvoirs publics. Le gouvernement n'est pas prêt, le ministre de l'Administration territoriale n'est pas prêt, contrairement à ce qu'il dit, la Céni (Commission électorale nationale indépendante) n'est pas prête», a affirmé M.Dramé. Une analyse partagée par International Crisis Group (ICG), qui, dans un récent rapport, a préconisé un report «de courte durée» n'excédant pas trois mois qui «serait bénéfique à long terme». «S'obstiner à tenir le calendrier actuel revient à prendre le risque d'un processus électoral chaotique et contesté débouchant sur l'élection d'un président dépourvu de la légitimité nécessaire au rétablissement du pays», selon ICG. ICG met en avant le peu de temps restant pour distribuer de nouvelles cartes à près de sept millions d'électeurs, le redéploiement inachevé de l'administration centrale dans le Nord, l'absence de retour chez eux de 500.000 réfugiés et déplacés ayant fui le conflit et dont la plupart risquent de ne pas pouvoir voter. Un obstacle de taille à la tenue de la présidentielle sur l'ensemble du territoire a cependant été levé vendredi avec l'entrée de l'armée malienne à Kidal (nord-est) parallèlement au cantonnement des rebelles touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) qui occupaient la ville depuis février. Ce premier tour du 28 juillet, qui pourrait être suivi d'un second le 11 août si aucun candidat n'obtient la majorité absolue, sera surveillé par de nombreux observateurs internationaux, dont 90 de l'Union européenne (UE) qui ont déjà commencé à se déployer.