Vainqueur du Tour de France 2013, Chris Froome est un champion au parcours singulier. Du Kenya, où il est né, il y a 28 ans, aux Champs-Elysées, où il a fêté avant-hier le plus grand succès de sa carrière. La route a été longue. 3400 kilomètres, de Porto-Vecchio à Paris. Mais elle n'a été que la dernière ligne droite d'une grande aventure. Le vrai départ, Chris Froome l'a pris au coeur d'un continent que le cyclisme ne connaissait pas et qui connaissait peu le cyclisme. Le Kenya, les collines à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Nairobi. Une maman qui cherche quelqu'un pour apprendre à son fils de 11 ans à éviter les pièges des routes cabossées de la région sur son petit BMX. Un champion local avec des dreadlocks qui accepte la mission. Dix-sept ans plus tard, le gamin énergique et un peu maladroit est un vainqueur du Tour de France, avec plus de quatre minutes d'avance sur ses premiers poursuivants. «Ça me rend fier, explique David Kinjah, son premier entraîneur, devenu un mentor et un proche. Ça rend fier tous les gens, tous les amis, qui l'ont connu quand il était jeune.» Après lui avoir donné un vieux vélo de route sur lequel «Froomey» peine à atteindre les pédales, le coach des Safari Simbas (les Lions voyageurs) l'emmène avec lui pour des sessions de 70 km. La passion naît. A 14 ans, il part pour une pension en Afrique du Sud, où son père a déménagé. Mais revient souvent à Kikuyu. «C'était sa maison, raconte David Kinjah. Il avait l'habitude de venir. On allait aussi à Githunguri, chez mes parents. On s'entraînait pendant des semaines, on faisait encore plus d'entraînements sur les collines. Il adorait ça!» A 17 ans, Chris Froome découvre le Tour de France à la télé. Le «jeune homme avec les cheveux longs et mal coiffés, qui portait plus de bracelets qu'une fille, parlait couramment le Swahili (langue d'Afrique de l'Est) et conduisait une épave» (Kinjah), participe ensuite à ses premières courses sur route. Puis aux Jeux du Commonwealth, en 2006. Dave Brailsford, manager de la Fédération britannique avant d'être celui de la Sky, repère un coureur kenyan, le seul de ce pays. Il le revoit aux championnats du monde, à Salzbourg, où Chris Froome percute un membre de l'organisation juste après le départ du contre-la-montre espoirs! Il finira quand même à la 36e place d'une épreuve à laquelle ont aussi participé Jérôme Coppel (3e), Edvald Boasson Hagen (5e) ou encore Tony Martin (18e). Chris Froome, lui, avait piraté la boîte mail de la Fédération kenyane pour s'inscrire! Une équipe sud-africaine (Konica-Minolta) l'accueille ensuite. Puis c'est le grand saut pour le haut niveau en 2008, au sein de la multinationale Barloworld. Le Kenyan court son premier Tour de France cette année-là (84e du général, 12e au classement du meilleur jeune). Deux ans plus tard, Dave Brailsford est à la recherche de forts potentiels pour sa Sky naissante et fait signer Chris Froome, «un diamant brut». Il change de passeport, optant pour une licence britannique face aux limites de la Fédération kényane. Mais une infection, la bilharziose, retarde sa progression. Jusqu'à la Vuelta 2011. Deuxième, derrière Cobo et devant Wiggins, il comprend que son avenir passe par ces courses de trois semaines. «Je me suis dit: (J'ai ma place dans ce groupe de coureurs qui se battent pour le classement général)», confie celui qui doit d'abord trépigner sur le Tour de France 2012 (2e) avec son rôle d'équipier de luxe de «Wiggo» avant de briller sur la 100e édition. A 28 ans, Chris Froome est sur la première marche du podium. Sur les Champs-Elysées. A 7000 km de ses collines kényanes.