Après la décision du Conseil d'Etat, le ministre de l'Intérieur affirme que l'ex-chef de gouvernement n'a plus le droit de s'exprimer au nom du FLN. C'est vraiment une page de l'histoire mouvementée de la vie du FLN qui vient d'être tournée. Mais pourquoi est-ce justement M.Zerhouni qui s'arroge le droit d'interpréter l'arrêt du Conseil d'Etat? Pourquoi lui et pas M.Belkhadem, chef de l'aile opposée à M. Benflis? Pourquoi ce n'est pas Si Afif, ou bien le ministre de la Justice, ou Mme Khalida Toumi, ministre de la Communication et de la Culture, ex-porte-parole du gouvernement? D'autres responsables au niveau de l'Exécutif auraient pu s'autoriser à le faire, par exemple Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement et néanmoins SG du parti rival, le RND. Non, c'est M. Zerhouni qui le fait, et pour cela il peut se prévaloir de plusieurs casquettes : d'abord celle de ministre d'Etat, doté des pouvoirs d'un super ministre. Ensuite en tant que chargé du portefeuille de l'Intérieur, il est le premier flic du pays, et il est le gardien de l'ordre public. Il peut très bien déclarer que M.Benflis a usurpé sa fonction de secrétaire général du FLN et qu'à ce titre, il est passible de toutes les poursuites, y compris policières et judiciaires. Tout le monde sait que les avertissements de M.Zerhouni valent leur pesant de... répression. Quand il a juré de faire payer Mohamed Benchicou, il n'a pas hésité à employer les grands moyens, et si aujourd'hui le directeur-gérant du journal Le Matin est sous contrôle judiciaire, c'est à cause d'une affaire scabreuse de bons de caisse que les services de M. Zerhouni ont découverts sur lui à l'aéroport Houari Boumediène d'Alger. La machine de la répression a utilisé tous les subterfuges, y compris ceux des impôts, pour «faire payer Benchicou», au point que son journal est menacé de fermeture d'ici à dimanche. Par conséquent, il faut prendre au sérieux les menaces de M.Zerhouni. Enfin, last but not least, M.Zerhouni est l'une des personnes les plus proches du président de la République, et il ne fait aucun doute qu'il ne parle pas sans l'aval du chef de l'Etat, qui ne l'a jamais désavoué, y compris lorsqu'il a fait des déclarations fracassantes. On peut même affirmer sans l'ombre d'un doute, qu'il est l'un des bras droits de M.Bouteflika. Le moins que l'on puisse dire est que ce dernier a vraiment le vent en poupe ces derniers temps. Après la constitution de l'alliance présidentielle signée par le RND, le MSP et les redresseurs, voici venir le temps des ralliements des organisations de masse et du mouvement associatif. Le coup de massue est venu de la Centrale syndicale, et c'est Sidi Saïd, qui est un poids lourd de la politique, qui l'a asséné. Cela dit, quelles seront les incidences de l'arrêt du conseil d'Etat sur le devenir de M.Benflis d'abord, du FLN ensuite? Privé de cette casquette de SG du FLN, M.Benflis sera vraiment gêné aux entournures durant la campagne électorale. Il ne pourra plus utiliser les permanences locales du FLN pour sa campagne, pas plus que les sommes colossales que le vieux parti a dans ses comptes en banque. Mais en plus, M.Zerhouni, et donc aussi M.Benachenhou, lui demanderont des comptes sur la gestion des fonds du FLN depuis le 8e congrès. Ça en fait des moyens de pression et d'intimidation. Parmi tous les scénarios qui avaient été prévus pour faire capoter la candidature de M.Benflis à la présidentielle, il y avait celui de faire dire par le Conseil constitutionnel que M.Benflis avait violé la décision de justice qui lui interdisait de tenir le congrès extraordinaire du FLN en tout lieu. Ce scénario a été abandonné en cours de route, le conseil d'Etat a même eu la sagesse d'attendre de connaître la liste des candidats avant de trancher, mais c'est sans doute, de la part des tenants du deuxième scénario, pour mieux priver M.Benflis de ses arguments. Ainsi, tout en étant candidat et sans doute aussi le rival le plus sérieux du président de la République, M.Benflis se voit tracer des lignes rouges. Quoi qu'il fasse, l'arbitre Zerhouni sortira le carton rouge et l'expulsera du terrain. L'arrêt du Conseil d'Etat le coupera de sa base, de ses moyens financiers, et de tous les autres moyens dont disposait le vieux parti. Quant au devenir du FLN, c'est une autre paire de manches. Nul ne sait si le congrès d'étape sera suivi d'un huitième congrès revu et corrigé. Mais, il ne fait pas de doute que le paysage politique sera recomposé après la présidentielle du 8 avril. Si c'est M.Bouteflika qui passe, il a déjà une large alliance présidentielle autour de lui. On sait qu'il ne refera pas la même erreur que par le passé, et qu'il saura renvoyer l'ascenseur à cette alliance, plus forte et mieux soudée que la défunte coalition, qui a regroupé au début du mandat finissant le FLN, le RND, le MSP, Ennahda, et le RCD. M.Amar Tou, qui se prend pour Alain Juppé, y voit déjà une UMP à l'algérienne.