Le général Abdel Fattah al-Sissi a rencontré hier des islamistes salafistes Le nouvel homme fort de l'Egypte, le chef de l'armée Abdel Fattah al-Sissi, a rencontré hier des responsables islamistes pour tenter de régler la grave crise politique née de la destitution du président Mohamed Morsi. Le général Sissi, qui a destitué M.Morsi le 3 juillet, leur a affirmé qu'il y avait «encore des chances pour une solution pacifique à la crise à condition que toutes les parties rejettent les violences», a indiqué le porte-parole de l'armée, le colonel Ahmed Aly. C'est la première fois que les militaires annoncent officiellement une rencontre entre leur commandant en chef et des dirigeants islamistes. Si aucun représentant des Frères musulmans n'était présent, d'influents prédicateurs salafistes qui avaient harangué les pro-Morsi rassemblés sur la place Rabaa al-Adawiya du Caire ont participé aux discussions. «Si les islamistes que le général Sissi a rencontrés ne sont pas membres des Frères musulmans, ils ont soutenu (les pro-Morsi) à Rabaa al-Adawiya», a dit une source proche du dossier sous le couvert de l'anonymat. «Espérons que les Frères musulmans écouteront ce qu'ils ont à dire pour trouver une issue à la crise». Cette rencontre, survenue avant l'aube, intervient alors que le bras de fer entre l'armée, qui a installé de nouvelles autorités après avoir déposé M.Morsi, et les Frères musulmans s'est accentué. Le gouvernement intérimaire a lancé plusieurs avertissements aux milliers de partisans de l'influente confrérie, les appelant à lever les sit-in qu'ils tiennent depuis plus d'un mois sur les places Rabaa al-Adawiya et al-Nahda au Caire et a menacé de les déloger par la force. Alors que plus de 250 personnes, essentiellement des islamistes, ont péri depuis fin juin dans des heurts entre pro-Morsi et forces de l'ordre ou entre pro et anti-Morsi, les Frères musulmans se disent déterminés à camper sur ces places jusqu'au retour au pouvoir de M.Morsi. Premier président élu démocratiquement du pays, M.Morsi est détenu au secret par l'armée depuis sa destitution et sous le coup d'une demande de placement en détention préventive pour répondre de son évasion de prison en 2011 à la faveur de la révolte ayant renversé le président Hosni Moubarak. Hier matin, après une rencontre avec le secrétaire d'Etat américain adjoint William Burns, le Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), vitrine politique des Frères musulmans, a rejeté toute solution qui ne se baserait pas sur «la légitimité constitutionnelle et le rejet du coup d'Etat». Au vu de ces déclarations, M.Burns n'est visiblement pas parvenu à infléchir la position des Frères musulmans, alors que sa visite surprise apparaissait comme l'une des dernières chances d'éviter une dangereuse confrontation entre police et pro-Morsi. Une série d'émissaires internationaux, en particulier européens, ont précédé M.Burns au Caire pour pousser gouvernement et opposition à un compromis, mais sans succès apparent jusqu'à présent. La communauté internationale redoute que la dispersion par la force des sit-in où des manifestants se sont barricadés avec femmes et enfants, ne tourne au massacre. Depuis Washington, le secrétaire à la Défense Chuck Hagel a exhorté le général Sissi à soutenir un processus politique «ouvert à tous». Au même moment, l'homme fort de l'Egypte renvoyait la balle aux Etats-Unis, les appelant à user de leur «influence sur les Frères musulmans» pour mettre fin à la crise, dans un entretien au Washington Post. Il y a également assuré que les militaires n'interviendraient pas contre les sit-in au Caire. «Ceux qui mettront un terme à ces sit-in et nettoieront ces places, ce ne sont pas les militaires. Il y a une police civile qui est affectée à ces tâches», a-t-il dit. Alternant déclarations martiales et appels au dialogue, les nouvelles autorités ont assuré qu'il n'y avait «aucune volonté de recourir à la force tant que toutes les autres possibilités n'auraient pas été épuisées», par la voix du ministre des Affaires étrangères Nabil Fahmy. «La porte est ouverte à tous, y compris aux Frères musulmans, pour participer au processus» politique, a-t-il ajouté, alors que la confrérie refuse tout dialogue avec le pouvoir qui a remplacé M.Morsi.