Disparu depuis sa destitution le 03 juillet dernier, le président égyptien déchu a rencontré hier la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton. Cette dernière a été autorisée par le pouvoir militaire à le rencontrer sans toutefois pouvoir dire le lieu de sa détention. Avant de quitter le Caire, Mme Ashton a affirmé que Morsi allait «bien». Mme Ashton, qui voudrait assurer le rôle du facilitateur de dialogue entre le nouveau pouvoir et la confrérie dont est issu Morsi, a pu discuter pendant deux heures avec l'ex-chef d'Etat islamiste. Ce dernier recevait officiellement sa première visite. Les Européens jugent la situation en Egypte «très critique», et appellent à la libération de M. Morsi, qualifié de «détenu politique». Mme Ashton était arrivée dimanche soir au Caire pour promouvoir l'idée d'une transition «incluant toutes les forces politiques», y compris la puissante confrérie qui refuse tout dialogue avec le nouveau pouvoir, qu'elle juge illégitime. Elle avait toutefois posé comme condition à sa venue au Caire la possibilité de rencontrer M. Morsi. Après deux heures de discussions «franches», dont elle a refusé de rapporter le contenu et le lieu, elle a affirmé que M. Morsi «allait bien» et avait accès à la télévision et aux journaux. Mme Ashton a insisté sur le fait qu'elle était là «pour aider, pas pour imposer» et que la solution à la crise, qui s'est traduite depuis un mois par plus de 300 morts dans des violences, dépendait des Egyptiens eux-mêmes. Elle a assuré vouloir revenir prochainement en Egypte. Depuis Bruxelles, l'UE a indiqué vouloir «continuer à jouer un rôle de facilitateur», y compris en usant du levier financier, pour un retour à la démocratie dans le pays. Le vice-président du pays Mohamed El Baradei, prix Nobel de la paix, a été très clair sur le sujet, hier, en réaffirmant que M. Morsi avait «échoué» et rejetant l'idée qu'il puisse participer au processus de transition. Toutefois, a-t-il nuancé, «les Frères musulmans (dont est issu M. Morsi) font toujours partie du processus politique, et nous voulons qu'ils y prennent part». Mme Ashton avait rencontré, lundi, les nouveaux dirigeants du pays, notamment le président par intérim Adly Mansour et le chef de l'armée Abdel Fattah al-Sissi ainsi que des représentants des formations islamistes. Ces derniers n'ont pas dévié de leur position de principe, affirmant avoir prévenu la responsable européenne qu'ils poursuivraient leur mobilisation jusqu'au retour de M. Morsi. La libération de l'ancien président et d'autres responsables des Frères musulmans devrait être «un acquis» avant même le début des discussions et non l'objet des négociations avec les nouvelles autorités, a estimé Amr Darrag, un dirigeant du parti issu de la confrérie. M. Morsi est, outre sa détention par l'armée, sous le coup d'une demande de mise en détention préventive de la part de la justice, qui l'accuse de complicité avec le Hamas palestinien, notamment lors de son évasion de prison début 2011 pendant la révolte contre le régime de Hosni Moubarak. Plusieurs milliers de ses partisans, déterminés à poursuivre leur bras de fer avec l'armée, défilaient dans l'après-midi en plusieurs endroits du Caire pour réclamer le retour au pouvoir du premier président élu démocratiquement du pays. Ce bras de fer entre armée et pro-Morsi fait redouter de nouveaux bains de sang, notamment après la mort de 81 civils et d'un policier dans des affrontements entre islamistes et forces de l'ordre samedi au Caire. Les manifestations prévues dans la soirée d'hier entendent notamment dénoncer ces violences à proximité de la mosquée Rabaa al-Adawiya, où les pro-Morsi tiennent un sit-in depuis un mois. Les autorités menaçaient de disperser par la force ces sit-in dans la capitale, les accusant d'être des foyers de «terrorisme». Elles ont promis des mesures «fermes» si les manifestants «outrepassaient leur droit à l'expression pacifique». L'Egypte se préparait à passer une autre nuit de tous les risques. M. N.