Le ministère des Finances vient de créer deux groupes de travail pour rationaliser les importations et lutter contre les infractions de change. Le transfert illicite de devises à l'étranger ne date pas d'aujourd'hui. Mais quand ce sont les autorités qui tirent la sonnette d'alarme, cela signifie que la situation a atteint un point de non-retour. Le gouvernement Sellal est en alerte rouge face à cette terrible hémorragie qui entame gravement les précieuses réserves de change du pays. Un rapport sur ces transferts illicites des capitaux a été transmis au Président Abdelaziz Bouteflika et au Premier ministre Abdelmalek Sellal, a révélé hier le ministre des Finances, Karim Djoudi, qui s'exprimait dans un entretien accordé à l'APS. Ce rapport a été établi conjointement par le ministère des Finances et la Banque d'Algérie. Il retrace les infractions constatées en matière d'infractions à la législation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l'étranger et fait un inventaire des procès-verbaux dressés par les différents services concernés. «Il rappelle les conditions de prises en charge des poursuites par les instances judiciaires et présente l'évolution des infractions constatées en nombre et en valeur», explique le ministre des Finances. M Djoudi a estimé que les infractions de change en Algérie sont devenues «un véritable fléau que toutes les institutions de l'Etat doivent combattre», annonçant par là même des mesures prochaines et rapides pour enrayer ce phénomène. «Toutes les structures du ministère des Finances concernées sont instruites pour faire preuve de toute la vigilance nécessaire pour prévenir ces actes, les contrecarrer et réprimer les auteurs présumés de ces infractions» a ajouté le ministre. Il est à s'interroger si cette action n'est pas tardive, face à un phénomène qui a pris des proportions alarmantes pour avoir bénéficié de l'inaction des autorités qui l'ont même encouragée. N'a-t-on pas vu des banques algériennes accorder des lignes de crédit à des importateurs de kiwi et autres fruits exotiques, voire même des pains au chocolat d'Europe quand des enfants souffraient d'un manque de vaccins et que des malades cancéreux croupissaient dans des hôpitaux? Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal «a réagi sur le rapport établi par le ministère des Finances et la Banque d'Algérie (sur les infractions de change) et l'a commenté. Il a souhaité que soit conforté le dispositif de lutte contre les infractions de change», a-t-il dit. Le ministère des Finances a été instruit en plus des contrôles qu'effectuent ses structures, de renforcer le contrôle sur la surfacturation à l'importation, les transferts éventuels au titre des opérations entre entités d'un même groupe, selon M. Djoudi. Les contrôles seront également renforcés sur les achats de produits non nécessaires à l'activité ou à la consommation nationale et disponibles sur le marché de la production nationale ainsi que sur les bénéficiaires finaux non identifiés des produits importés subventionnés et autres, explique M.Djoudi. A ce titre, le ministre a annoncé la mise en place de deux groupes de travail chargés de trouver les mesures adéquates pour rationaliser les importations et lutter contre les infractions de change. M.Djoudi a cité un rapport relatif à la répression des infractions à la législation des changes qui fait état de plus de 1000 procès-verbaux établis et transmis à la justice pour un corps de délit de plus de 17 milliards de dinars (220 millions de dollars). Il a précisé toutefois que ce chiffre ne donne pas une «évaluation correcte de ce phénomène» puisque ce montant même s'il apparaît important, marque néanmoins un net recul de 54% par rapport au niveau enregistré durant l'exercice précédent». Mais il a tenu à lever toute équivoque concernant «les risques d'amalgame» entre les transferts effectués dans le cadre d'importations régulières et les transferts illicites opérés en violation manifeste de la réglementation en vigueur.