Dans l'après-midi d'hier, une randonnée dans les librairies nous a fait redécouvrir deux ouvrages de l'auteur du «Jeu de la boûqâla» et d'«El Qaçba, zemân». Il s'agit de sa toute première oeuvre La Dévoilée, écrite en 1951, publiée en 1959 par les éditions Subervie (France), rééditée récemment par les éditions Barkat, sous le même format que celle publiée en 1959, avec le jugement d'Albert Camus et la préface d'Emmanuel Roblès, mais à laquelle une brillante postface de Jean Pelegri a été ajoutée. On y lira également un poème intitulé «Dieu nous a donné» et que Jean Pelegri présente ainsi: «Je ne suis pas responsable de ce poème. Je l'ai composé en effet, avec des phrases sorties de la bouche d'une vieille femme de ménage arabe, dont je parle dans Les Oliviers, c'est elle qui m'avait poussé à écrire ce livre. Elle était le peuple - le vieux peuple avec sa douceur et son sourire. Elle était la poésie.» Le même Pelegri, un grand ami de l'Algérie, s'adressant à l'auteur, écrivait en 1964, à propos de La Dévoilée: «Sans cette autre indépendance, comme vous dites, rien de vrai ne peut se faire. Rien de sérieux. On ne fonde pas, aujourd'hui, une civilisation sur une conception féodale de la femme. Cette décolonisation de la femme est, à mon sens, aussi importante que la réforme agraire. Si la femme continuait à être «dépossédée», on n'aboutirait qu'à une civilisation tronquée, truquée. Aussi permettez-moi de vous dire mon estime pour avoir abordé si vite, si tôt, ce problème essentiel, avec lucidité et courage. [...] Ce sont donc les actes qui comptent, les oeuvres. C'est par les oeuvres que se font les civilisations. Et non par les intentions, les discours. Une civilisation se prouve, par les lois, les oeuvres et les monuments. «La Dévoilée» est un acte.» Par ailleurs, dans l'important ouvrage «Regards russes sur les littératures francophones» de Robert Jouanny (1997), Nadejda S. Lessova-Yuzefovich (Université de Simferopol / Crimée-Ukraine) a écrit: «Le premier dramaturge abordant les problèmes brûlants de la société algérienne a été Kaddour M'Hamsadji. Dans sa pièce La Dévoilée (1959), écrite en 1951, il se montre précurseur des prochains changements sociaux. L'héroïne principale permet à l'auteur d'exprimer son sentiment sur la situation de la femme dans le monde musulman (Naissance et évolution de la dramaturgie algérienne de langue française [Années 1950-1980], p. 18).» En somme, on peut dire que la présente édition de La Dévoilée est la reprise du texte intégral (avec quelques rares et légères variantes) de l'édition originale qui garde encore toute la fraîcheur de sa jeunesse et de sa vérité. L'autre oeuvre, actuellement dans les bonnes librairies, est L'Oiseau Vert (Editions Barkat, 2012). Dans ce conte pour enfants, Kaddour M'Hamsadji, après le conte fantastique intitulé Le Coq du bûcheron (réédité par Casbah Editions, 2012), aborde un sujet difficile et très sensible avec la délicatesse de l'écrivain pédagogue à laquelle toutes ses publications littéraires nous ont depuis longtemps habitués. En effet, l'expression, l'imaginaire et les émotions font que cette histoire est magnifiquement écrite et poignante. L'héroïne du conte est une fillette âgée de six ans. Le milieu est familial et le décor celui d'un petit village, que l'on nomme chez nous «dechra», accroché tout en haut de la montagne Serdoune; et ainsi que dans tous les contes, il y a une épreuve et un ingrédient magique. On peut résumer l'histoire ainsi: «Houria est une petite fille handicapée physique dont les parents désespèrent qu'elle ne gué -risse un jour. Un soir de clair de lune, une silhouette aux contours phosphorescents apparaît: c'est l'Oncle Messaoud, l'ancien porteur d'eau de la dechra que l'on n'avait pas revu depuis si longtemps. Il revient de Bordj El-Ouasfâne. L'Oncle offre un oiseau vert à Houria. Celle-ci reprend confiance peu à peu. Et bientôt, le miracle se produit: la fillette se met à marcher.» L'Oiseau Vert est une leçon d'espérance.