Les partisans du président islamiste Mohamed Morsi destitué par l'armée devaient compter leurs rangs pour un «vendredi des martyrs» en Egypte, mais seuls quelques milliers manifestaient au Caire. Près d'un millier de personnes ont péri en huit jours, essentiellement des manifestants pro-Morsi, dans les assauts meurtriers des soldats et policiers contre leurs rassemblements, et plus de mille militants et cadres des Frères musulmans ont été arrêtés, essentiellement les meneurs et organisateurs des manifestations. Une centaine de policiers et soldats ont également trouvé la mort dans les pires violences qu'a connues l'Egypte dans son histoire récente. Résultat: depuis cinq jours, malgré les appels quotidiens à manifester, les rassemblements font long feu faute de participants. D'autant que les grandes villes - en particulier Le Caire - sont sous le joug de l'état d'urgence et d'un couvre-feu, avec leurs grands axes bloqués par des chars et des barrages de police. Les manifestants avaient annoncé à la presse 28 «marches pacifiques» au Caire après la grande prière de la mi-journée mais dans l'après-midi, seuls quelques milliers de personnes défilaient pacifiquement dans au moins trois manifestations dans la capitale peuplée de plus de 20 millions d'habitants. Avant le début de la répression de leurs rassemblements à la mi-août, les pro-Morsi mobilisaient des dizaines, voire des centaines de milliers de manifestants au Caire et dans les autres grandes villes. En dehors des activistes purs et durs qui se sont faits rares, les pro-Morsi ont manifestement peur de descendre dans la rue où le nouveau pouvoir dirigé de facto par l'armée a autorisé les forces de sécurité à ouvrir le feu sur les manifestants hostiles. Et les Frères musulmans, l'influente confrérie de M.Morsi qui avait remporté haut la main les législatives de 2012, sont totalement désorganisés. Les rares dirigeants de leur exécutif qui ne sont pas encore derrière les barreaux se terrent, et les cadres intermédiaires s'avouent paralysés en l'absence des consignes «écrites» qu'ils recevaient jusqu'alors pour guider leurs troupes, lesquelles arrivaient par autocars entiers des diverses provinces. «Nous ne recevons plus les consignes écrites habituelles pour les manifestations depuis que la plupart de nos leaders ont été arrêtés», explique un cadre local des Frères musulmans à Menoufia, dans le delta du Nil. «Les forces de sécurité sont venues dans ma rue pour me chercher, on sait que nos téléphones sont écoutés, alors on ne les utilise pas», explique cet homme qui se cache. Outre M.Morsi, destitué le 3 juillet et détenu au secret par l'armée, accusé notamment de complicité de meurtres et de tortures, les plus hauts dirigeants des Frères musulmans, dont le Guide suprême Mohamed Badie et ses deux adjoints, Khairat al-Chater et Rachad Bayoumi, doivent comparaître à partir de demain notamment pour «incitation au meurtre». Maher, chef d'une cellule des Frères musulmans dans le sud du Caire, reconnaît que la rupture des communications et l'arrestation de l'exécutif du mouvement a réduit quasiment à néant sa capacité à mobiliser. «J'ai peur que l'on revienne à l'ère Moubarak», lâche-t-il.