Tout se passe comme si derrière cette sérénité existe la certitude d'un revirement qui va remettre en cause bien des clichés. «Ou le 8 avril sera une occasion pour le peuple algérien de choisir librement son président, ou ce peuple prendra, pour la deuxième fois après le 1er Novembre 1954, ses responsabilités et je suis prêt à mener à ses côtés la bataille.» Cette déclaration est sortie de la bouche du candidat du FLN gelé, Ali Benflis, lors de la présentation hier, des grands axes de son projet de campagne au Centre international de presse (CIP). Une déclaration facilement assimilable à une menace au moment où l'effervescence de la scène politique a atteint son point culminant à 72 heures du début officiel de la campagne électorale. La vision manichéenne du 8 avril exprimée par M.Benflis réveille bien des peurs. Elle résume en quelque sorte la fragilité de la période post-électorale. Autrement dit, la stabilité n'est pas immuable et n'est pas totalement acquise tant son sort demeure suspendu au déroulement des événements lors de la journée du 8 avril. Il faut noter que si les élections sont truquées et les urnes bourrées, en faveur du président-candidat, le FLN, n'est pas la seule composante dans l'arène électorale. Djaballah, Saïd Sadi, Rebaïn et Louisa Hanoune auront leur mot à dire. Mais la déclaration-mise en garde de M.Benflis s'est cristallisée sur le groupe des dix et plusieurs personnalités l'ont déclaré de façon plus explicite par cette phrase : «Nous allons barrer la route à Bouteflika.» Partant d'un constat établi par la majeure partie de la classe politique selon lequel «la fraude a déjà commencé», Ali Benflis refuse toutefois d'admettre que le «jeu» de l'élection est fermé. «Les élections sont fermées est une opinion exprimée et je ne la discute pas. En revanche, dit-il, ce qui est clair c'est que la fraude a commencé dans la confection des listes électorales, par l'élimination de certains candidats par le Conseil constitutionnel et par l'alignement du ministère de l'Intérieur derrière le président candidat.» S'il en est ainsi pourquoi Benflis attend-il le lendemain du 8 avril pour «passer à l'action»? Tout se passe comme si derrière cette sérénité existe la certitude d'un revirement spectaculaire qui va remettre en cause bien des clichés. En filigrane, la déclaration du candidat du FLN gelé rappelle les propos de certains officiers de l'institution militaire qui ont affirmé, il y a quelques jours, à Boumerdès: «En cas de fraude ou de retrait des candidats, l'armée interviendra.» D'autre part, l'intervention du chef d'état-major Mohamed Lamari dans l'organe officiel de l'armée, El Djeïch, trouve son écho dans les 100 engagements que se propose de réaliser Benflis. Le chef d'état-major a appelé à la neutralité de l'administration «sans laquelle la neutralité de l'armée serait incomplète». Dans son programme électoral, Benflis «propose une loi qui protège les cadres de l'administration, pour les mettre au service du peuple et non des personnes». La crise algérienne a sa complexité et ses spécificités mais elle ne l'a pas plus qu'ailleurs, en Géorgie ou en Haïti pour prendre des exemples récents.