Un fruit très apprécié Aujourd'hui, cet arbuste fragile subit, parallèlement aux aléas de la nature, des dégradations induites par l'être humain. Beaucoup de facteurs sont évoqués pour expliquer le retard pris dans la période de maturation de la figue. Chaque partie y va de son hypothèse. Les vieux incombent ce retard et la mauvaise qualité, au manque d'entretien de la figueraie kabyle alors que les agriculteurs les imputent au vieillissement des arbres. Tous ces facteurs participent en effet à la dégradation de ce fruit emblématique de la région au même titre que l'olive. Mais en fait, la raison principale, relèvent des ingénieurs en agronomie de l'Université de Tizi Ouzou, du réchauffement climatique qui caractérise la planète entière. Certaines voix, ayant observé les effets de ce phénomène dans tous les domaines, préconisent de tirer la sonnette d'alarme. Ce n'est pas uniquement la figue, mais c'est toute l'agriculture en Algérie qui subira les effets néfastes du réchauffement climatique. Au sujet de la figue justement, les plus pessimistes prévoient même la disparition de cet arbre dans quelques décennies. Fragile, le figuier ne résiste pas à la température élevée et ne résistera pas à la chaleur supplémentaire induite par le réchauffement de la planète. Pourtant, le figuier était le fruit du pauvre. Chaque maison possédait devant son entrée un figuier. Les figueraies situées un peu plus loin des habitations constituaient une source de rente financière incontestable à côté de l'olivier. Signe des temps: jadis, en Kabylie, il était quasiment impossible de trouver des figues fraîches sur les étals ou en vente. Une fois séchées, elles sont proposées à la vente sur les marchés fréquentés par les commerçants des autres régions du pays. Les figues sèches, riches en calories, étaient tronquées contre des produits que la Kabylie ne produisait pas. De nos jours, ce fruit se vend encore pas tout à fait mûri sur les bords des routes. Les prix pratiqués par les vendeurs sont ahurissants. Le kilo est cédé à pas moins de 400 dinars. La figue sèche, elle, devient de plus en plus rare. Les gens n'ont pas la quantité nécessaire ni même le temps de l'exposer pendant des jours au soleil pour qu'elle sèche. Aujourd'hui, cet arbuste fragile subit, parallèlement aux aléas de la nature, des dégradations induites par l'être humain. En effet, la tendance vers l'agriculture de masse élimine tous les créneaux moins porteurs. Les agriculteurs, prisonniers de l'obligation de rentabilité immédiate, abandonnent la figue qui nécessite beaucoup de soins et de délicatesse. Toutefois, des initiatives louables tentent de maintenir en vie cet arbre séculaire. Dans le village Lemsella, situé dans la daïra de Bouzeguène, à 60 km au Nord-est du chef-lieu de wilaya de Tizi Ouzou, un festival est consacré chaque année à la figue. En l'espace de quelques jours, la culture de ce fruit est revisitée et remise au goût du jour grâce à la volonté des villageois. Cette année, la Fête de la figue de Lemsella débutera le 29 août. Des expositions et des conférences sur la culture du figuier seront organisées, permettant ainsi aux visiteurs de faire connaissance du figuier qui était l'un des fidèles compagnons du Kabyle pendant les disettes. Ces manifestations participent en effet à la sensibilisation sur la fragilité de cet arbre et son rôle dans la vie économique de nos ancêtres. Ce genre de fête peut encore jouer le même rôle. Maintenir cette culture en vie, en formant les agriculteurs pour participer à la dynamique de la relance de l'agriculture de montagne. Seule à même de favoriser le développement de la région à relief montagneux et escarpé. Une fois cette activité remise au goût du jour, elle pourra jouer un grand rôle dans le secteur du tourisme. Enfin, pour mettre en évidence la déchéance de ce fruit, une tournée à travers les routes principales de la wilaya de Tizi Ouzou est nécessaire. En effet, sur les bords, des vendeurs installent des baraques de fortune en y exposant les figues dans des paniers en oseille. Deux créneaux qui se clochardisent sur les routes alors que leur place est dans les circuits légaux. Les paniers, pur produit des vanniers locaux, auraient pu être vendus dans des expositions et des maisons de l'artisanat à des touristes et les figues exportées vers d'autres contrées.Cette déchéance, induite par le mépris de l'homme jointe aux aléas de la nature et de la terre qui se réchauffe, finira inéluctablement par emporter ce fruit ancestral et avec lui une partie du patrimoine kabyle. Une partie qui tombera comme la figue trop mûre. Sans une main pour la cueillir, elle dépérit et meurt ensevelie sous les lopins de terre.