À 24 heures d'intervalle, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a reçu le leader du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, et celui de Nida Tounes, Béji Caid Esssebsi. Ce jeudi, ces deux rencontres font la une de pratiquement tous les médias tunisiens. L'Algérie a-t-elle décidé de jouer les médiateurs dans la crise tunisienne? La presse s'interroge. Rached Ghannouchi est la première personnalité politique étrangère reçue par le président algérien depuis son retour à Alger, après 3 mois d'hospitalisation à Paris. Selon l'agence officielle APS, «la rencontre a permis également de procéder à une évaluation de la situation dans les pays arabes et musulmans à la lumière des derniers développements, et les efforts consentis pour le succès de la période de transition en Tunisie». Mercredi 11 septembre, c'est au tour de Béji Caïd Essebsi d'être accueilli à Alger par Bouteflika et son Premier ministre Abdelmalek Sellal. Pour ceux qui suivent la crise politique tunisienne, ce n'est sans doute pas un hasard du calendrier. Si à Alger, la presse est plutôt occupée à analyser l'important remaniement ministériel opéré par le président Bouteflika, la presse tunisienne en a fait ses titres ce jeudi. «Bouteflika joue les bons offices» pour La Presse. Et le quotidien francophone de s'interroger sur «le rôle que peut jouer l'Algérie dans une crise interne». «Pour le porte-parole de Nida Tounes, Lazhar Akermi, l'Algérie, qui est la grande soeur, peut rapprocher les positions des uns et des autres parce que sa sécurité nationale se joue sur notre territoire», rapporte La Presse. Une thèse soutenue par le journal arabophone Le Maghreb qui estime que: «la Tunisie n'est pas seulement une affaire diplomatique pour l'Algérie, mais qu'elle est au coeur de sa sécurité nationale compte tenu des frontières communes et problèmes communs comme le terrorisme, le crime organisé, la contrebande, mais aussi des possibilités communes de développement économique et social des régions frontalières». Pour Zied Krichen, rédacteur en chef du Maghreb, «les tensions qui perdurent en Tunisie ne peuvent que déranger le voisin algérien, surtout qu'il a subi et subit encore le terrorisme djihadiste». Dans une interview accordée au journal Al Chourouk, Ameur Larayedh, qui a fait le déplacement à Alger avec Rached Ghannouchi a expliqué que leur visite visait «essentiellement à souhaiter un bon retour» à Bouteflika et que cette rencontre «est une preuve d'amitié entre les deux hommes». Une «version officielle» que met en doute Le Quotidien qui titre «Parfum de médiation». «Les milieux proches de Nida Tounes et d'Ennahdha ont officiellement rapporté que leurs dirigeants respectifs, Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi, se sont rendus hier et avant-hier à Alger pour souhaiter bon retour au président Abdelaziz Bouteflika, rentré en Algérie après une longue maladie. Mais si telles sont les versions officielles, les observateurs ont senti dans ces voyages un parfum de médiation dans une crise politique tunisienne qui n'a que trop duré surtout que Caïd Essebsi a toujours entretenu de bonnes relations avec le grand frère algérien, alors que pour Ghannouchi c'est l'occasion de retaper à neuf ses rapports avec la direction algérienne, ternis par de fréquentes altercations». Près de deux mois après le début de la crise politique, la Tunisie cherche encore une issue à cette dernière. Les travaux de l'Assemblée constituante, suspendus suite une décision de son président Mustapha Ben Jaâfar le 6 août dernier, reprendront la semaine prochaine alors qu'une soixantaine de députés ne comptent toujours pas regagner leurs sièges.