«La Palme d'or n'a été qu'un bref instant de bonheur, ensuite, je me suis senti humilié, déshonoré, j'ai senti un rejet de ma personne que je vis comme une malédiction» Abdellatif Kechiche Après avoir gagné la Palme d'or à Cannes et servi sur un plateau d'argent la politique controversée du gouvernement français du «mariage pour tous», Abdellatif Kechiche, le réalisateur franco-tunisien, auteur du film à polémique La Vie d'Adèle a appris à ses dépens la véritable place des cinéastes maghrébins dans le cinéma français. En effet, le CNC français, véritable patron du cinéma français, a choisi le film français Renoir, film de Gilles Bourdos sur la fin de vie du peintre Auguste Renoir pour représenter la France aux Oscars. Alors que l'arrière-petit-fils de Renoir n'aime pas ce film qui a été présenté en clôture à Cannes. Chaque année, l'Académie des Oscars retient cinq films seulement dans la catégorie du meilleur film étranger, sur 60 à 70 proposés par différents pays. La prochaine cérémonie aura lieu le 2 mars prochain. D'ici là, l'Académie annoncera une short-list puis sa sélection finale. L'an dernier, Intouchables de Eric Toledano et Olivier Nakache, avait été choisi pour représenter la France. Il avait fait partie des neufs films encore en course en décembre. Le dernier film français à avoir remporté la statuette dans cette catégorie est Indochine de Régis Wargnier (1993), avec Catherine Deneuve. En février dernier, c'est Amour de Michael Haneke, avec Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant, qui avait remporté l'Oscar du meilleur film étranger, mais le film a été déposé au nom de l'Autriche. La Commission de sélection du film qui représentera le cinéma français pour l'Oscar du film en langue étrangère, est composée de sept membres dont Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, et des personnalités qualifiées, dont l'actrice Isabelle Adjani et Alain Terzian, président de l'Académie des arts et techniques du cinéma. Selon les critères de l'Académie des Oscars, le film sélectionné doit être sorti entre le 1er octobre 2012 et le 30 septembre 2013. Une règle qui empêchait La vie d'Adèle, Palme d'or du dernier Festival de Cannes, d'être retenu pour représenter la France aux Oscars: le film de Abdellatif Kechiche doit en effet sortir le 9 octobre prochain, après la date limite imposée par l'Académie américaine. Mais cette programmation n'est qu'une excuse pour justifier sa mise à l'écart. Les Français ont toujours favorisé un cinéaste français pour représenter la France aux Oscars. Rachid Bouchareb l'a bien compris quand il a présenté ses deux films: Indigènes et Hors-la-loi, au nom de l'Algérie, sachant pertinemment que le CNC français n'aurait jamais voté pour son film. Même cas pour le film français Omar m'a tuer» de Roschdy Zem, qui a été présenté au nom du Maroc, car le CNC n'aurait jamais voté pour un film français réalisé par un Maghrébin qui dénonce l'injustice de la justice française. Par ailleurs, le film de Kechiche qui comporte des scènes de sexe entre femmes très crues, risquait de toute manière de mal passer auprès des membres de l'Académie des Oscars, considéré comme très pudiques. Parmi les 6 000 acteurs, réalisateurs et scénaristes qui la composent figurent pourtant des personnalités peu connues pour leur pudibonderie: Pedro Almodovar, Mike Leigh, Emmanuelle Riva (qui rejoint l'académie cette année) ou Steven Spielberg, président de la 66e édition du Festival de Cannes, qui a pourtant remis la Palme d'or à... La Vie d'Adèle. [email protected]