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Pour un système éducatif performant
L'ADEQUATION FORMATION- EMPLOI
Publié dans L'Expression le 26 - 09 - 2013


L'école fondamentale a été un échec
«L'école devrait toujours avoir pour but de donner à ses élèves une personnalité harmonieuse, et non de les former en spécialiste.» Albert Einstein
Il m'a été donné d'animer une conférence à l'initiative louable du professeur Ourida Amrani de l'Université Alger 3 qui, avec son équipe, s'est emparé du difficile débat, à savoir la relation entre les jeunes et l'emploi, l'adéquation avec le marché du travail... Ce débat a son importance au moment où l'Etat essaie avec les partenaires sociaux de sortir des sentiers battus et d'innover pour une création de richesse endogène qui devra se substituer graduellement à la «bazarisation» actuelle pour permettre de réhabiliter un outil de travail mis à mal par une mondialisation laminoir qui a fait des Algériens des consommateurs tant que la rente est là et après?
Le constat
C'est globalement d'abord un constat connu. La situation actuelle est que 98% des exportations du pays sont issues des seuls hydrocarbures. Ceux-ci ont généré quelque 650 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000 et 2013. Cette manne a permis à l'Algérie d'éteindre sa dette et de disposer à fin 2012 de réserves de change considérables, couvrant trois années d'importations, 190 milliards selon la Banque d'Algérie. Le PIB algérien reste modeste - à 188,6 milliards de dollars en 2012 dont plus de 40-45% générés par les hydrocarbures - pour un pays de 37,9 millions d'habitants au 1er janvier 2013. Par ailleurs, le taux de chômage, 10%. Selon le rapport 2012 de l'ONS, le secteur informel représenterait autour de 50% de l'activité économique du pays.
«2millions de fonctionnaires» pour une population active totale estimée à 11,5 millions en 2012 par la Banque mondiale. Côté importations aussi, l'Algérie se trouve dans une situation rare: 70 à 75% des besoins des ménages et des entreprises sont satisfaits par des achats à l'étranger. 46 milliards de dollars dont 6 milliards de dollars pour les véhicules 8 milliards de dollars pour la facture alimentaire et plus d'un milliard de dollars pour les opérateurs de téléphonie mobile.
On prévoit plus de 50 milliards de dollars en 2013. Peut-on continuer ainsi. C'est dire que l'on ne produit pas grand-chose dans le pays le plus étendu et le plus peuplé du Maghreb.
L'Algérie vit dans une économie de rente Que se passera-t-il lorsque la rente diminuera, ou s'éteindra quasiment, au rythme de la baisse prévisible des sources d'énergie fossiles. C'est un fait que nous revenons de loin. Il y a cinquante ans, l'Algérie n'avait pas de cadres pour prendre en charge son développement, mais elle avait la foi en son avenir. Pendant les vingt premières années le pays a formé à l'université des diplômés en prise directe avec le développement d'un tissu industriel qui a par la suite disparu au profit d'une bazarisation, exception faite du raffinage, les sociétés nationales ont disparu.
Le chômage des jeunes: un problème planétaire
Lors d'un séminaire organisé par le Cnes le 15 septembre, le directeur général adjoint du Bureau international du travail (BIT), Gilbert Houngbo, a déclaré que le fléau du chômage avait touché, cette année, plus de 73 millions de jeunes (13,6% du total). Le chômage des jeunes est 3 à 4 fois plus important que celui des adultes. En Algérie, ce sont les primo demandeurs, s'agissant de la catégorie sociale la plus exposée au chômage (78,8% des chômeurs ont moins de 35 ans), et celui des wilayas du Sud, s'agissant des régions les plus déficitaires. L'analyse des données de la période 1999 à 2007 est portée par les secteurs moteurs de la croissance (Btph, agriculture, le secteur informel, services et Fonction publique).
D'où nous venons?
Le propos n'est pas ici de charger le système colonial.Une brève rétrospective de notre système éducatif est nécessaire pour dire que l'Algérie n'a pas jailli du néant, il y avait une culture et un savoir que le pouvoir colonial a laminé en même temps aussi que sa tentative vaine d'éradiquer la culture, la langue et la religion. Si on devait objectivement faire le bilan de la présence française pendant 132 ans, nous pouvons recenser les points forts suivants: la déstructuration de la société algérienne a eu de multiples conséquences, toutes plus dramatiques les unes que les autres.
514.000 élèves dans le primaire, 6250 dans le moyen et le secondaire. 589 étudiants. La production du système éducatif colonial pour les Algériens, pendant la période coloniale. Les résultats sont dérisoires. Il y eut jusqu'en 1962, comme Algériens diplômés: 354 avocats, 185 P.E.S. 28 techniciens, 4 ingénieurs, ~330 médecins, pharmaciens, chirurgiens- dentistes. Soit au total, 900 diplômés en l'espace de 132 ans. Ce chiffre est a comparer, aux 900 diplômés formés pendant la Révolution et au nombre de diplômé(e)s formés par l'Université algérienne malgré ses insuffisances, environ 1.200.000. Voilà pour l'Histoire.
Etat des lieux du système éducatif post-indépendance
A l'indépendance, le besoin d'apprendre a permis à l'Algérie de scolariser des cohortes de plus en plus importantes. L'expérience des premières années (26 nations contribuaient au formatage du cerveau de l'élève et de l'étudiant algérien). Il est bon de rappeler le chemin que nous avons eu à parcourir en cinquante ans pour arriver à la force de frappe actuelle de notre système éducatif avec sa force quantitative et sa faiblesse qualitative: 8, 5 millions d'élèves. 25.000 écoles, 5000 CEM et plus de 2000 lycées. Quantitativement, l'Algérie a été l'un des pays qui a le plus investi dans l'éducation, près de 5% de son PIB Qualitativement, les performances sont faibles. Plusieurs dérives ont amené progressivement à une détérioration de la pédagogie. L'école fondamentale a été un échec. Les réformes annoncées n'ont pas encore donné leur fruit malgré des scores au Bac élevés...
Il en est de même de la formation professionnelle qui a été dévoyée de sa formation initiale au point de former pour le niveau Il nous faut de plus, citer le contexte international dans lequel nous vivons, citer les expériences réussies car centrées sur l'éducation et l'économie du savoir Devant toutes ces contraintes objectives, le moment est venu de penser à une création de richesses qui doit obligatoirement reposer sur le savoir et le savoir-faire.
Quant à l'enseignement supérieur, de louables efforts quantitatifs ont été faits mais la perfor-mance est faible du fait de la massification mais aussi du fait que les métiers pour lesquels l'université forme sont de moins en adéquation avec la demande qui, elle aussi, est de moins en moins pertinente du fait de la disparition des pans entiers de notre industrie remplacés par le bazar. En clair, l'Algérie contribue à l'emploi dans les pays qui nous vendent leur pacotille...Ajoutons enfin, une hérésie: la formation technologique a disparu pour cause de LMD.
D'où viendrait le salut? L'Ecole du XXIe siècle
Il est donc de la plus haute importance de revisiter le système éducatif. En matière d'éducation nationale aucune recette miracle n'existe et nul de par le monde n'a encore réussi à faire en sorte que l'égalité des chances puisse être respectée en permettant à tous d'acquérir les savoirs fondamentaux indispensables. Les spécialistes de l'éducation ont insisté sur la nécessité d'une éducation forte capable de résister au tsunami de la mondialisation qui emporte tout sur son passage. Il est nécessaire que les sociétés soient enracinées dans leur culture, pour bien résister aux perversions de la mondialisation. Aucun pays n'est semblable à un autre, il ne pourrait donc pas y avoir de remède global, ni de culture globale et uniforme. La préparation des jeunes au monde exigeant du XXIe siècle requiert une école davantage centrée sur les apprentissages fondamentaux et sur le développement intellectuel des élèves, une école stimulante qui inculque le goût et la capacité d'apprendre, une école qui initie et introduit au monde de la culture, une école qui prépare aux rôles sociaux de la vie adulte, une école qui rend capable de juger et d'agir de façon responsable, une école qui élève et fait réussir dans la vie.
Il est nécessaire de repenser les structures. Il est connu que les trois paliers de l'éducation et de l'enseignement englobent l'école primaire de base pour apprendre, le tryptique: lire, écrire et compter, un enseignement secondaire constituant une charnière préparant soit aux études supérieures, soit à l'entrée dans le monde du travail, quand il est disponible... Même les nouveaux concepts «apprendre à être, apprendre à apprendre, apprendre à faire, apprendre à vivre ensemble», doivent être revisités à la lumière des mutations permanentes induites par la mondialisation.
La formation professionnelle: la mal-aimée
Par une perversion graduelle,en Algérie on trouve des diplômés de niveau 6 ou des exclus du système éducatif. L'Etat n'a pas donné suffisamment d'importance aux diplômés du niveau 5 vus par les parents et par la société comme une démonétisation. A titre d'exemple: l'Algérie a besoin de trois fois plus de techniciens que d'ingénieurs. Il est nécessaire de revoir fondamentalement cela par une valorisation sur tous les plans mais aussi en permettant au niveau 5 d'accéder normalement au niveau 6 par la mise en place de passerelles.
L'Université créatrice de richesses
Le bouleversement des savoirs, la façon de les apprendre, la mutation nécessaire des relations entre l'Etat, les entreprises et la société ainsi que l'obsolescence des cursus de formation, le manque de recyclage des enseignants, font que les milliers de cadres de formés se retrouvent pour une grande part, sans emploi. Ils versent dans l'informel ou émigrent vers d'autres cieux. L'Etat se doit, enfin, à travers l'université et les enseignants former l'homme nouveau qui ne doit pas être un assisté mais déjà avant la sortie même de l'université, un entrepreneur qui entreprend quelle que soit sa projection.
Il est de la plus haute importance que l'Etat à travers les secteurs dans le cadre d'une planification, et d'une stratégie multisectorielle confie au système éducatif, notamment à la formation professionnelle et à l'université la formation des jeunes à même de prendre en charge la demande sociale en termes d'emplois créés à partir d'un savoir acquis. A titre d'exemple, la mise en place sans tarder d'une stratégie énergétique reposant sur un modèle de consommation à différents horizons 2030 et 2050. Nous sommes convaincus que le développement de grands travaux structurants permettra de mobiliser des dizaines de milliers de diplômés qui créeront, et participeront à cette épopée seule utopie capable de faire redémarrer la machine industrielle et sociale qui tournera à n'en point douter le dos à une rente éphémère mais que l'on peut mettre à profit pour asseoir un développement durable
En conclusion, pour pouvoir maitriser la demande d'emplois, l'Etat se doit, enfin, à travers l'université et les enseignants former l'homme nouveau qui ne doit pas être un assisté mais déjà avant la sortie même de l'université, un entrepreneur qui entreprend quelle que soit sa projection. Le moment est venu de substituer, d'élaborer une nouvelle échelle sociale basée sur le savoir et le savoir-faire, en un mot la méritocratie qui devra se substituer graduellement aux rentes de situations. Les autres légitimités aussi respectables soient-elles ne pouvant pas permettre à l'Algérie de se battre intelligemment pour avoir sa place dans le concert des nations. Nous donnerons tous ensemble des raisons d'espérer à cette jeunesse en panne d'idéal et qui ne demande qu'à donner la pleine mesure de son talent pour peu qu'on lui prodigue une belle éducation et qu'on l'écoute car elle a aussi des choses à nous dire et des idées en phase avec la réalité du monde.


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