Les discours commencent à céder la place aux coups fourrés et autres «attaques à main armée». «A la guerre comme à la guerre» est le mot d'ordre des candidats, à dix jours de la date de l'élection présidentielle. Même le président de la République s'est mis de la partie après avoir observé une période durant laquelle il a jugé utile de donner plus de force à son discours. Benflis, qui trouve chez K-News un allié inespéré, donne l'impression de faire l'effet «boule de neige». Fort de ses appuis «neutres», il se voit déjà triomphant haut la main sur celui dont il a été, en 1999, directeur de campagne. On a le net sentiment qu'il écrase tout sur son passage «en usant d'un corps qui est plus pesant que le sien»... Le président-candidat, lui, n'en démord pas. Il tient le bon fil et ne laissera pas de sitôt la réconciliation nationale. Car c'est grâce à cette politique de paix que «l'Algérie a retrouvé sa place dans le concert des nations», a-t-il dit, hier, à Tlemcen et Aïn Témouchent. «Lorsque je suis venu, en 1999, tout brûlait», et si l'armée, ou un bloc de l'armée trouve à redire, il est toujours prêt, sur le bout de la langue, ce petit mot : «Lorsque j'ai pris les commandes du pays, l'armée était demandée par le TPI.» Lorsque Bouteflika s'attaque au candidat Benflis, il frappe directement sur celui qui le protège et ses mots sont très chargés de menaces. Même Djaballah s'est mis de la partie, hier, à Sétif. Il avait stigmatisé l'Etat «qui terrorise les gens, qui spolie leurs biens et sème la corruption». Sortis directement de la bouche d'un homme religieux, ces mots sont l'émanation de la vérité pour le chef de file de la mouvance islamiste « constitutionnelle » et doivent nécessairement être perçus comme tels dans un contexte où chaque candidat porte l'habit du rédempteur. Rebaïne, lui, excelle toujours dans son rôle de découvreur de harkis «incrustés dans les rouages de l'Etat». A M'sila, le moins connu de nos hommes politiques a longuement insisté sur «le caractère global» de son programme et a promis de procéder à la refonte de tout le système politique, économique, judiciaire et social du pays, en pointant un doigt accusateur sur la justice algérienne qui marche «à deux vitesses, une pour les riches et une pour les pauvres». Sadi, qui continue son périple loin de Tizi Ouzou, persiste à mordre dans la politique de Bouteflika à pleines dents. En résumé, pour le leader du RCD, «le président a réduit l'Algérie à une entreprise familiale» et il n'y a vraiment aucun élément qui plaide en faveur du malheureux Bouteflika. Louisa Hanoune, la seule femme du «sextuplé présidentiel», garde de la dignité...d'homme. Son discours continue à être précis, clair, sourcé, référencié, elle fait rarement référence à Bouteflika et préfère décortiquer, avec la patience impitoyable d'un entomologue, les grandes lignes de ses options économiques. Sa vérité à elle se trouve toujours dans le camp des opprimés, de la classe ouvrière, des travailleurs et des prolétaires. Discours décalé peut-être, mais qui se révèle d'une efficacité certaine face à une population avide de discours simples et de données concrètes et immédiates. Au cas où cela aurait pu échapper à l'attention, remarquez que chacun trouve son chemin vers sa vérité à lui. Le mensonge devient une redoutable arme de guerre et la désinformation, par médias et presse interposés, devient une tactique, une ruse et finira par être élevée au rang de vérité, pire de réalité. La deuxième semaine de la campagne commence à déboucher sur de violents heurts. Chauffés à blanc, les jeunes sont jetés tête la première dans des joutes qui les dépassent et dont ils ne saisissent pas les enjeux. De vagues mouvements insurrectionnels commencent à se placer à la périphérie des partis constitutionnels et même si la campagne a offert des «morceaux choisis» de joie, de « folklore», de gaieté et d'allégresse, des esprits lucides commencent à prendre peur que tout cela ne finisse dans... la douleur.