La polémique a pris de l'ampleur Le comité directeur de la Ligue française de rugby a décidé d'imposer un quota de 55% de joueurs issus de la formation française sur les feuilles de match dès la saison 2014-2015. Le ballon ovale français a-t-il épousé les thèses du Front national? La réponse nous est fournie par le président, d'origine algérienne, du RC Toulon (Rugby club toulonnais): «Ce projet a été présenté il y a une dizaine de jours à Toulouse avant d'être retoqué par la majorité des présidents de club. Je pense que le mot 'national'' va bien à la Ligue et cette loi correspond bien aux tendances du moment. «Le rugby démontre à travers ces règlements qu'il est un sport réactionnaire et sectaire, qui passe son temps à compter les Français et les étrangers», a affirmé Mourad Boudjellal. La Ligue française de rugby emboîte le pas à la Fédération française de football, 36 mois après. Le patron des Bleus et certains dirigeants du foot français avaient suggéré, à l'époque, un système de quotas limitant le nombre de joueurs africains et maghrébins dans les centres de formation français, avait dévoilé une enquête menée par Mediapart, intitulée «Foot français: les dirigeants veulent moins de Noirs et d»Arabes» (voir l'Expression du 02/05/2011). Si le ballon rond hexagonal avait finalement, en son temps, fait marche arrière, le ballon ovale a, quant à lui, été au bout de son projet. Le comité directeur de la Ligue française de rugby a décidé d'imposer un quota de 55% de joueurs issus de la formation française sur les feuilles de match dès la saison 2014-2015 aux clubs de Top 14. Un dispositif qui n'a rencontré vraisemblablement que peu d'opposants. Le projet est passé comme une lettre à la poste. «Le dispositif a été adopté à une écrasante majorité en comité directeur car je crois que j'ai été le seul à voter contre», a déclaré le 18 octobre, le président du Stade toulousain, René Bouscatel. «Nous avons eu une réunion des présidents de club à Blagnac durant laquelle chacun s'est exprimé, et quelques présidents, dont moi, se sont prononcés contre, pour des raisons parfois diamétralement opposées», a-t-il expliqué. Une initiative qui intervient en plein débat sur le degré d'intégration de certaines populations d'origine étrangère au sein de la société française, les actes racistes ou encore la spectaculaire montée de l'islamophobie. «C'est illusoire de penser qu'on règlera le problème des populations roms à travers uniquement l'insertion», avait indiqué le ministre de l'Intérieur, le mois dernier, sur les ondes de France Inter, «les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie, et pour cela il faut que l'Union européenne, avec les autorités bulgares et roumaines, puissent faire en sorte que ces populations soient d'abord insérées dans leur pays», a fait remarquer le patron de la place Beauvau. Des propos qui ont devancé de quelques jours seulement un sondage OpinionWay pour la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) qui a été rendu public le 7 octobre 2013 dans lequel 61% des enquêtés ont avoué qu'il est plus difficile d'être musulman ou d'origine maghrébine, pour 56% d'entre eux, qu'il y a 30 ans. «En France, les musulmans sont les premières victimes de l'islamisme radical», a fait remarquer Alain Jakubowicz, le président de la Licra. «Les différents débats sur le halal, les minarets, la burqa, la laïcité, l'identité nationale, l'immigration et les prières des rues ont libéré la parole des extrémistes sans compter les déclarations d'hommes politiques soucieux de se maintenir au pouvoir en déclarant que les musulmans sont un problème pour la France», avait souligné, indigné, Abdallah Zekri, au mois de juillet 2012, le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie. Le rugby français a, à sa manière, rajouté un peu d'huile sur le feu et donné du grain à moudre à ceux qui ont fait de l'identité française leur fonds de commerce. Ses dirigeants viennent de signer le déclin du rugby cosmopolite, sans frontières.