Editeurs, libraires et auteurs algériens ont, sans tambour ni trompette, participé honorablement à la dimension internationale du Salon 2004. Organisé par Reed Expositions France, sous l'égide du Syndicat national de l'édition, le 24e Salon du Livre de Paris a eu lieu du vendredi 19 au mercredi 24 mars au Parc des expositions de la Porte de Versailles, Hall 1 : 50.000 m2 d'exposition, 1200 éditeurs ou représentés dont 300 étrangers issus de près de 30 pays (y compris l'Algérie), 3 000 auteurs en dédicaces, 400 rencontres, débats, conférences, 1000 journalistes, 150.000 visiteurs environ dont 20 000 jeunes. De fait, ce Salon s'est distingué par un gigantisme culturel, un ensemble d'actes merveilleux de lumière contre toutes les formes d'obscurantisme. Il s'est déployé généreusement en champs nourriciers de l'esprit sous les yeux du visiteur ; là se sont embellies l'intelligence et la création, se sont épanouis le plaisir et le sens du respect de la personne humaine, autant de préludes enchanteurs qui éveillent en chacun un multiple bonheur, - cette bonne santé utile à l'homme, ce bien-être tout simplement que l'on sent si proche et, par le temps épouvantable qui court, il reste toujours lointain pour quelqu'un d'éprouvé. Il faut d'abord dire que cette fois-ci, le Salon a reçu en invitées d'honneur les Lettres chinoises, à l'occasion de l'année de la Chine en France, sous le thème «Une Chine éternelle, une Chine diversifiée et une Chine moderne». Sous le vaste pavillon d'honneur abondamment pavoisé et décoré de lanternes rouges et de noeuds chinois, 38 auteurs de langue chinoise ont été présents et ont créé l'événement majeur du Salon, révélant une culture en pleine mutation. Celle-ci, sans renoncer à la diversité nationale, conçoit un universalisme pluraliste que pourraient illustrer aisément Gao Xiangjian (prix Nobel de littérature en 2000) vivant en France et, aussi bien les écrivains (hommes et femmes) qui ont produit une littérature souterraine depuis les années 1960 et ceux qui, en quête d'identité individuelle, sont apparus après les graves événements de Tienanmen, en 1989... Quoi qu'il en soit, dans les stands de tous les pays exposants, les livres étaient partout. Placés en piles sur les tables de nouveautés ou, bien tranquilles, sur les étagères, ils attirent les passionnés de lecture ou les simples curieux. Aussitôt charmés jusqu'à la moelle, il en est beaucoup qui sont allés chercher «leurs livres» après les avoir trouvés, ici ou là, grâce à des informations de bouche à oreille, aux annonces publicitaires, à des rencontres avec des éditeurs et des auteurs ou surtout grâce à l'accueil chaleureux d'un libraire compétent qui sait séduire, renseigner, guider, faire découvrir pour lire, inciter à lire, et vendre (c'est son métier !), - et qui, ainsi, contribue d'une manière élégante et intelligente à l'accès à la lecture du plus grand nombre et, à l'évidence, au développement de la culture. Aussi est-il incontestable, à la suite de ce qui vient d'être observé, que le stand Algérie, qui a regroupé plus d'une dizaine d'éditeurs (Casbah/Améziane, Opu/Lacheb, Enag/Messaoudi, La Maison des livres/Oustani, Barzakh/Hadjadj, Dalimen/Mme Allel, Inas/Ouadi, La Belle image/Kefti, Mag-Med/Ali Maroc, Marsa/Virolle...), près d'une dizaine de libraires et près d'une vingtaine d'auteurs, a suscité chez les visiteurs plus que de la curiosité, un double vrai désir : découvrir 900 titres d'ouvrages algériens (tous genres confondus) et rencontrer les auteurs en séance de dédicace. Venus spécialement d'Algérie, les éditeurs passionnés, qui font la littérature d'aujourd'hui, et les libraires ingénieux, qui s'impliquent dans l'information sur les ouvrages et dans la diffusion de ceux-ci en apportant un soin particulier à l'étalage de la production nationale et à sa mise à la disposition du public, ont participé honorablement à la dimension internationale du 24e Salon du Livre de Paris. Cette réussite est due à la pratique de cette vérité que l'union, la compétence et l'abnégation des participants sont essentielles dans une entreprise d'envergure internationale qui plus est censée promouvoir l'image de marque de l'Algérie culturelle. En dépit d'un manque flagrant de moyens matériels et financiers et d'espace suffisant, le stand Algérie a justement bénéficié des qualités morales citées, grâce aux initiatives éclairées des professionnels du livre. Ces initiatives ont été coordonnées par une stratégie de bon aloi conçue conjointement par le Syndicat national des éditeurs de livres (SNEL) et l'Association des libraires algériens (ASLIA). Autant nos éditeurs méritent des encouragements sous forme d'aides diverses et légales (souscriptions publiques et privées, commandes de livres pour les bibliothèques fixes et itinérantes, les institutions, les collectivités locales, les associations, les entreprises...) afin de pouvoir poursuivre ce bel effort et ainsi dynamiser le marché du livre en Algérie ; autant aussi nos libraires, sous le sigle ASLIA (dont la phonétique traduit un sens qui me paraît de bon augure) sont dignes des plus hautes félicitations. En effet, la délégation de l'Association des libraires algériens, qui était composée de Sid-Ali Sekheri (1er vice-président de l'ASLIA et représentant de la libr. El-Ghazali), de Abdallah Benadouda (édit. et libr. Chihab), de Mohand Smaïl (Libr. générale) et assistée d'autres libraires ou représentants d'éditeurs (Rachid Hadj-Naceur (édit. et libr. OPU), Belanteur Abdenour (Libr. El-Ijtihad), Omar Chikh et Tahar Dahmar (tous deux libraires à Tizi Ouzou), Boukhaloua Fouzia (édit. et libr. ENAG) et Rachid Bencheikh (libraire à Guelma) a assuré l'animation générale, la gestion et la vente des livres, l'organisation des séances de signatures, la communication en direction du public et des médias, - de même que, en présence des éditeurs responsables de leur stand particulier, cette équipe de libraires a accueilli avec courtoisie et compétence des personnalités politiques, artistiques et littéraires algériennes, françaises et d'autres nationalités. En outre, la délégation de l'ASLIA a participé à des rencontres professionnelles, à des réunions à l'UNESCO, à des séminaires sur la formation des libraires et sur les procédés techniques d'acquisition de bases de données bibliographiques et commerciales. En somme, à travers ces activités toutes naturelles, et rapportées à la profession de libraire en Algérie, le rôle bien compris du libraire est immense ; il devrait être multiple et divers dans la vie sociale et culturelle algérienne. Le libraire doit tout faire avec talent et conviction pour «donner à lire», pour créer à tout moment le besoin de lire chez toute personne qui franchit le seuil de sa librairie, pour ancrer une nouvelle image dans l'esprit du lecteur algérien. Ici se pose l'embarrassante, la récurrente et sans doute universelle question: pourquoi la lecture est-elle dépréciée chez nous? Au vrai, même ceux qui - du moins le croit-on - «sont faits» pour lire, ne lisent pas ou pas beaucoup, exemple : les enseignants d'une manière générale, les professeurs de l'université, d'autres dont la fonction pousse pourtant à lire. On va aussi accuser l'école qui n'apprend pas à lire à l'enfant, qui ne donne pas le goût de la lecture à la jeunesse. On dénonce le manque de bibliothèques, le prix élevé du livre. Que de sujets complexes et contradictoires! Enfin, cela nécessite une étude approfondie pour déterminer de nouveaux mécanismes de la production et de la distribution du livre... Néanmoins, il est toujours quelques fanatiques de lecture où le plaisir de lire est suprême, une délectation infiniment sacrée.