L'incertitude était totale mardi en Tunisie sur les possibilités de sortie de la profonde crise politique, islamistes et opposants se rejetant la responsabilité de l'échec des pourparlers pour désigner un nouveau Premier ministre. Même les médiateurs de la crise --le syndicat UGTT, le patronat Utica, la Ligue des droits de l'homme et l'Ordre des avocats-- qui ont annoncé lundi la suspension sine die du "dialogue national" après 10 jours de négociations, n'étaient en mesure d'apporter des éléments de réponse. Le secrétaire général de l'UGTT, Houcine Abassi, a simplement évoqué la possibilité d'écarter les partis politiques de la sélection du futur Premier ministre. "Si les partis n'arrivent pas à un consensus, nous assumerons notre responsabilité et présenterons les noms de personnes que nous estimons capables", a-t-il dit sans élaborer, alors que tout nouveau gouvernement devra pour entrer en fonction obtenir le soutien des islamistes et de leurs alliés, majoritaires à la Constituante. Dans la sphère politique, islamistes d'Ennahda et opposants s'imputaient la responsabilité de l'impasse. "C'est la responsabilité de ceux (au pouvoir) qui ne veulent pas s'inscrire dans le consensus et sortir de la crise", a dit, Béji Caïd Essebsi, chef du parti Nidaa Tounes. "La suspension du dialogue ne peut que nous enfoncer dans la crise qui est déjà assez grave". Pour Ennahda, à l'inverse, l'opposition a provoqué le naufrage du dialogue en refusant le seul candidat valable à ses yeux: Ahmed Mestiri, 88 ans, ministre puis opposant du père de l'indépendance Habib Bourguiba, mais que ses détracteurs jugent trop vieux et trop faible. « Nous ne voyons aucun motif au refus de choix de M. Mestiri. C'est du devoir de la Troïka (coalition au pouvoir) de ne céder le pouvoir qu'à une personnalité connue pour son indépendance », a jugé le chef d'Ennahda, Rached Ghannouchi, sur Mosaïque FM. Il a néanmoins minimisé la gravité de l'échec du dialogue, bien que la vie politique et institutionnelle soit paralysée depuis plus de trois mois après l'assassinat le 25 juillet du député d'opposition, Mohamed Brahmi. "Le dialogue national a été suspendu (...) Il va reprendre à un moment ou un autre car le pays en a besoin désespérément", selon lui.