«Touche pas à mon fichier!». L'expression est directe comme savent l'être les peuples. Notre ministre d'Etat et ministre de l'Intérieur, Tayeb Belaïz, l'a traduite, lundi dernier, en termes plus diplomatiques pour dire la même chose. Il répondait à la demande du représentant de l'Union européenne, Pier Antonio Panzéri, qui était en visite, il y a quelques jours, dans notre pays. Il a été bien poli notre ministre car du côté de Bruxelles on semble être un peu dur d'oreille. De quoi s'agit-il? L'Union européenne veut faire main basse sur notre fichier électoral national. Elle veut le prendre sous le bras pour le tripatouiller à sa guise à Bruxelles. Pour Panzeri qui est le président de la délégation (européenne) des relations avec les pays du Maghreb (par abréviation Dmag), «cette objection peut être facilement surmontée dans la mesure où l'acte électoral est public». Cette niaiserie a été avancée par Panzeri lors de sa visite à Alger le 30 octobre dernier. Vous l'aurez compris cette «objection» est en fait la réponse donnée, par les autorités algériennes à José Ignacio Salafranca Sanchez-Neyra, chef des observateurs de l'Union européenne conviés en Algérie pour suivre les élections législatives du 10 mai 2012, qui avait demandé la mise à sa disposition de notre fichier électoral national. Panzéri revient à la charge, plus d'un an après, pour demander la même chose que Salafranca. Pour rester aussi poli que notre ministre de l'Intérieur devant une telle récidive, il faut faire des efforts. Surtout que l'Algérie a tout fait pour faciliter le travail de ces observateurs. Elle a permis aux observateurs européens d'accéder au fichier de wilaya. Insuffisant à leur yeux. Pas le fichier de wilaya seulement. Non! C'est le fichier national qui les intéresse. Et puis quoi encore? Les autorités algériennes ont beau essayé de leur rappeler qu'un fichier national, dans tous les Etats du monde, contient des informations confidentielles, rien n'y fait. Leur seul argument est que «l'acte électoral est public» donc et selon leur logique, le fichier national devrait l'être également. C'est dramatique lorsqu'à ce niveau de responsabilités, on puisse confondre l'urne avec le fichier. Alors même que l'isoloir qui préserve la confidentialité est compris dans «l'acte électoral». Ce qui ne le rend pas si «public» que veut nous le faire croire Panzéri. Quant au fichier national et tenant compte des informations qu'il contient sur chaque électeur, sa confidentialité n'échappe à personne. Faut-il des cours de rattrapage sur les libertés individuelles aux fonctionnaires de l'UE? Et s'il fallait aller jusqu'au bout de la pensée de Panzéri ou de Salafranca et dire que c'est ainsi qu'ils croient contrer la fraude électorale, nous les renvoyons à celles qui ont lieu sur leur continent et même aux Etats-Unis. Certes, elles sont plus sophistiquées mais non moins visibles. La plus récente fraude qui nous vient à l'esprit est celle qui a eu lieu, en novembre 2012, lors de l'élection du président de l'UMP (parti politique français). Tout le monde a pu voir les images diffusées par les télévisions et montrant comment le nom de Copé était gratifié d'une voix lorsque les électeurs appuyaient sur le bouton Fillon. L'élection dans un parti ou à l'échelle nationale est l'équivalent de «l'oeuf» et du «boeuf» du proverbe. Il ne reste plus que l'intention de Bruxelles de vouloir «ficher» les Algériens. C'est plutôt mal tombé. La NSA et ses écoutes en Europe ont créé un tel climat d'espionnite, si aiguë, qu'il est plutôt mal venu pour le représentant de l'UE de lui emboîter le pas en Algérie. Oui, Tayeb Belaïz a été bien poli en rappelant que «la mission des observateurs, quels qu'ils soient, se limite à émettre des observations...Nous n'avons pas d'ordres à recevoir de ces derniers concernant l'organisation d'échéances électorales». On ne peut plus clair!