Le coup de froid dans les relations commerciales entre le Portugal et l'Angola, riche en pétrole et diamants, risque de fragiliser davantage l'économie de l'ex-puissance coloniale, sous tutelle financière internationale depuis 2011. Alors que les investisseurs angolais se sont hissés au rang de premiers actionnaires étrangers des entreprises cotées à la Bourse de Lisbonne, un retrait de cette manne de pétrodollars aurait des conséquences néfastes sur l'économie portugaise. «Une rupture des relations serait très pénalisante pour les deux économies, mais surtout pour le Portugal, car Angola injecte du capital dans ses entreprises et alimente son secteur financier», a déclaré Pedro Lino, analyste de Dif Broker. Agacé par l'enquête judiciaire pour blanchiment d'argent en cours au Portugal contre des membres de son entourage, dont son dauphin Manuel Vicente, le président angolais Jose Eduardo dos Santos avait provoqué la stupeur en annonçant à la mi-octobre le gel de la relation privilégiée avec Lisbonne. Puis, son ministre des Affaires étrangères Georges Chikoti a fait monter les enchères en faisant savoir que l'ancienne colonie allait désormais se tourner vers l'Afrique du Sud, la Chine et le Brésil. Et Luanda a annoncé mardi le report du premier sommet bilatéral, prévu en février. «De nombreux pays européens misent sur une détérioration des relations entre Lisbonne et Luanda pour pousser leurs pions en Angola», relève Pedro Lino. Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius s'est rendu ainsi fin octobre à Luanda, accompagné de représentants d'une quinzaine d'entreprises. En mal d'investissement, le Portugal n'avait pourtant pas cessé de courtiser l'Angola, deuxième producteur de pétrole africain. L'Angola connaît des chiffres de croissance à faire pâlir le Portugal qui se remet difficilement d'une récession de plus de deux ans. Les relations commerciales entre les deux pays ont tourné à l'avantage de l'Angola: pour la première fois cette année, ses exportations de pétrole au Portugal dépassent les biens alimentaires et de consommation que le pays africain importe. Les rôles se sont inversés: compte tenu de «la fragilité financière» du Portugal et de «l'opulence» affichée par l'Angola, «le pays colonisé se transforme en colonisateur», constate le journaliste Celso Filipe, auteur du livre «Le pouvoir angolais au Portugal». Ils sont omniprésents dans le tissu économique du Portugal. Des groupes angolais proches du pouvoir ont pris des participations importantes dans des secteurs stratégiques de l'économie portugaise tels que les banques, l'énergie, les télécommunications, l'immobilier et les médias.