Pour ne pas perdre le change de voyage de 2013, des familles entières font la chaîne dans les deux sens des frontières algéro-tunisiennes. Chaque fin d'année, le même phénomène à lieu au niveau du poste frontalier d'Oum Etboul, distant de plus de 15 kilomètres de la ville d'El Kala, dans la wilaya d'El Tarf. En ce début du mois de décembre, les candidats au voyage commencent à défier la rigueur du froid pour se déplacer jusqu'à El Kala. Les gens sont venus de toutes les régions de l'est du pays. Pourquoi? se demandent certains, on apprécie ce poste et pas d'autres, comme Bouchebka dans la wilaya de Tébessa ou El Mridj. Tout simplement, parce qu'une fois Oum Etboul traversée, on est directement en territoire tunisien et en même temps au poste de la police des frontières (PAF) du pays voisin. En tout cas, ce sont tous des véhiculés, pour ceux sans voitures, ceux-là jettent leur dévolu sur le poste de Bouchebka à Tébessa, où même à pied, ils peuvent entrer en territoire tunisien. Il est 9 heures et la foule est déjà compacte dans les locaux exigus de la Douane algérienne. Les touristes s'empressent de remplir la fiche pour la déposer au guichet de la PAF. Il fait un froid de canard, même le chauffage dont disposent les locaux, n'est pas parvenu à atténuer la rigueur du froid glacial de cet hiver. On se demande pourquoi des familles entières sont venues en ce jour au poste d'Oum Etboul. Une jeune femme accostée, nous explique «beaucoup de nos concitoyens ont fait le change et sont obligés de sortir pour se voir apposer sur leurs passeports le visa de sortie. Sans le cachet, ils ne pourront pas avoir droit au change de 2013». Devant le poste de la PAF, c'est la bousculade. Un agent essaie de mettre de l'ordre. Il demande poliment aux hommes de reculer pour laisser le passage aux femmes. On recule un peu, puis on revient à la charge. Après les formalités d'usage, un agent appelle les titulaires de passeports. Quelqu'un rouspète et se dit lésé. Il ose même dire qu'il y en a qui ont usé de leurs connaissances pour passer les premiers. Les agents de la PAF ne s'énervent pas pour autant. Ils usent même de diplomatie pour expliquer aux citoyens énervés, qu'ils considèrent tout le monde sur le même pied d'égalité. Les esprits se calment et les agents continuent leur travail. Dans la salle, c'est la bousculade. De nouveaux voyageurs sont venus grossir la foule, malgré le froid. Toutefois, la situation semble aller vers le mieux. Les agents ont opté pour un rythme plus accéléré. Enfin, à 13 heures, nous obtenons le fameux visa ou cachet de la PAF. Une fois la barrière traversée, nous sommes au poste tunisien. Là aussi, on se bouscule à qui mieux mieux pour obtenir la fiche et rejoindre la chaîne qui s'étire jusqu'à l'extérieur des locaux de la Douane. Le policier demande à un concitoyen si c'est pour rester ou juste pour obtenir un visa. «Une entrée et une sortie SVP.» Le policier s'excuse. Il appose un cachet à l'encre noire et un autre à l'encre rouge. C'est fait, on peut retourner en Algérie. Des centaines de familles ont fait ce va- et -vient pour régulariser leur situation vis-à-vis des banques. Maintenant, dès l'année 2014, ils auront droit à un nouveau change. Cela leur permet de réaliser quelques bénéfices, car une fois rentrés en possession de quelque 125 euros, accordés par la banque, ils pourront les vendre au marché parallèle contre 14.500 ou 15.000 DA. Une famille qui dispose de cinq passeports arrive à gagner en change l'équivalent de 75.000 DA. C'est ce qui explique la ruée sur le poste d'Oum Etboul, entre autres, postes frontaliers. Cela, nous dira-t-on, se poursuivra jusqu'au 31 décembre.