Quelque 7 000 à 8 000 personnes, en cette haute saison, franchissent chaque jour les postes frontaliers et affrontent, le temps d'un contrôle, la vague de chaleur et les lenteurs administratives. Pour de nombreux Algériens, la destination Tunisie est devenue ces dernières années la solution la plus idoine. L'Algérie occupe la troisième position de pourvoyeurs de touristes en Tunisie, après la Libye et la France. Cela est dû pour des raisons que tout le monde connaît : la proximité, les complexes touristiques et l'accessibilité financière. Sachant que le produit demandé par nos citoyens est beaucoup plus porté sur le tourisme balnéaire et la thalassothérapie. Les villes les plus visitées sont Hammamet et Tabarka, en premier lieu, puis viennent ensuite Sousse et Monastir. Selon Ali Kamoucha, responsable par intérim de la Direction régionale de la police des frontières terrestres à l'est du pays, 49 357 algériens sont sortis par les frontières terrestres vers la Tunisie entre la dernière semaine de mois de juillet et la première semaine de mois d'août. Le responsable a précisé que sa direction de l'est gère les postes qui se trouvent dans trois wilayas, à savoir Souk Ahras, Tébessa et El-Tarf. Soit neuf postes frontaliers : quatre à Tébessa dont Tita, Bouchabeka, Ras El-Ayoun, El-Haridj. Souk Ahras avec trois postes, El-Haddada, Ouled Moumen et la ligne ferroviaire qui ne fonctionne pas. Les deux postes les plus connus par un afflux très important sont ceux de la wilaya d'El-Tarf : El-Ayoun à El-Kala et Oum Teboul, le poste qui enregistre le plus grand nombre. À titre d'exemple, la journée du 1er août, 11 672 algériens ont franchi le poste. Mais la question qui revient cet été et ce, depuis l'incident de melloula : dans quelles conditions sont accueillis ces centaines de milliers d'Algériens au niveau des postes frontaliers tunisiens ? À El-Haddada, les Algériens veillent au grain.. Le paysage féerique de la route de l'est et les villes aussi séduisantes les unes que les autres nous font oublier le soleil de plomb de ce 24 août, sous lequel nous roulons en direction d'El-Haddada, poste frontalier algérien, distant de près de 70 km de la wilaya de Souk Ahras. Il est l'un des dix postes frontaliers donnant accès à la Tunisie. Il est 15h 30 et quelques voitures immatriculées de différentes wilayas de l'est du pays, dont Souk Ahras, sont en attente devant les locaux de la police des frontières et des douanes algériennes. Des hommes, de toute évidence des chefs de famille, assistés par des policiers en uniforme, se pressent autour des pupitres et s'affairent à remplir les fiches de contrôle. L'atmosphère à l'intérieur de la salle spacieuse est agréable grâce à la climatisation qui fonctionne h24. Canicule oblige. L'endroit est à l'image de l'espace vert dehors. “Les premiers candidats au voyage vers la Tunisie se sont présentés au poste dès 6h. C'étaient des gens de Constantine et de Annaba. Nous les avons contrôlés rapidement et ils ont pris la route vers Sakiet Sidi-Youcef”, nous explique l'officier responsable de ce poste frontalier, en précisant que “l'opération de contrôle ne prend pas plus de cinq minutes par personne. Elle est facilitée par l'utilisation des ordinateurs. Il arrive que le traitement de certains dossiers soit plus long que d'autres, cela à cause des informations qui ne sont pas portées sur les fiches”, remarque-t-il. Pour ne pas faire attendre les passagers, le poste s'est doté de deux agents préposés qui aident les voyageurs, notamment les analphabètes ou ceux ne maîtrisant pas la langue, à remplir des formulaires. L'attente n'est toutefois pas contraignante pour les dizaines de familles. Tout a été prévu pour leur confort. Outre l'air conditionné dans la salle des guichets, il existe une petite aire de détente que les policiers et douaniers entretiennent quotidiennement ainsi qu'une cafétéria où les passagers peuvent s'approvisionner en rafraîchissement le temps de quelques minutes. Une fois les passeports tamponnés et les formalités de douane accomplies, les voyageurs quittent tour à tour le parking de la zone algérienne, cédant leur place à d'autres. On nous explique que le flux est important entre 5h et 10h, le reste de la journée étant plus calme. Cependant, le poste a enregistré, durant la période allant du 21 juillet au 20 août, 25 000 passagers. On apprend également que chaque année, les effectifs de la police des frontières de tous les postes sont renforcés en haute saison pour gérer le flux touristique. IlS pensaient éviter le pire… melloula Sur le no man's land, qui sépare les postes frontaliers entre El-Haddada et Sakiet Sidi-Youcef, plus d'une cinquantaine de mètres qu'on traverse par une allée bordée de pins, les véhicules sont obligés de rouler lentement. Poussés par la curiosité de savoir comment les choses se passent dans le côté tunisien, nous empruntons ce tronçon. Au fur et à mesure que nous éloignons du poste algérien et que nous nous enfonçons dans cette longue allée de pins, le silence se fait maître des lieux. À un détour, nous apercevons le poste tunisien. En y arrivant, nous remarquerons que les personnes qui ont quitté le poste algérien depuis plus de 30 minutes sont encore en attente. Assis sur les marches de la bâtisse, tandis que d'autres adossés sur leurs véhicules attendent le traitement des passeports. Rien n'est séparé, tout est confondu : personne entrant ou sortant. Les Algériens s'agglutinent devant la porte de l'unique salle de guichets de la PAF tunisienne. Notons que l'entrée et la sortie du territoire tunisien sont contrôlées dans un seul et même local. Quelques minutes après, un représentant de la PAF tunisienne sort de la salle des guichets, la porte est tout de suite fermée. À sa main une dizaine de passeports algériens. Il dira d'emblée : “Doucement, on commencera par la distribution de ces passeports. Pour les autres, vous devrez attendre.” Avant de distribuer les passeports, il prend le temps de saluer une des ses connaissances algériennes. Il lui propose même, une exception, de le faire rentrer dans la salle des guichets. Contrairement aux postes algériens, les passagers n'ont pas le droit d'accéder à l'intérieur de cette salle. L'Algérien fit mine de refuser pour ne pas gêner le pafiste dans son travail. La procédure de distribution des passeports prend également du temps. “Au départ, nous sommes passés par le poste d'Oum Teboul, nous avons attendu plus de trois heures pour que les Tunisiens nous rendent nos passeports et bien sûr avec un petit bakchich (pourboire). C'est pour cela que j'ai préféré revenir par ce poste. Même si ça prend du temps, ça ne sera jamais comme Melloula”, témoigne Riad. Par ailleurs, un jeune homme de Souk Ahras s'interroge : “Je ne comprends pas, il n'y a qu'une seule personne qui travaille ou quoi ? Pourquoi nous n'avons pas le droit d'accéder à la salle des guichets ? Ce n'est pas professionnel de leur part. Ce que je ne supporte pas, c'est leur comportement, il nous regarde de haut comme s'ils étaient supérieurs ; pourtant nous n'avions rien à leur envier. Notre pays recèle beaucoup plus de ressources qui ne sont pas encore exploitées”, s'indigne le jeune homme. Comment s'il se justifie, il dira : “Je n'ai pas le choix, je suis routier et je fais cette ligne ; c'est mon gagne-pain. Je n'irai jamais passer mes vacances chez eux.” Durant notre escapade à El-Haddada, nous avons remarqué que plusieurs passagers ont fui le poste de Melloula, surtout les personnes résidant près des frontières qui préfèrent rentrer au pays par d'autres postes. Comme si le poste tunisien de Tabarka a mauvaise réputation. Enfin, la vérification des papiers et le contrôle douanier, au niveau de ce poste, durent près de trois quarts d'heure avant de franchir Sakiet Sidi-Youcef, dont les vestiges sont visibles du poste algérien. Nabila Afroun Lire tout le dossier en cliquant ici