Un sommet «élyséen» à la gloire du chef de l'Elysée? Derrière la conférence de demain perce une inquiétude: celle de voir la France distancée face à des pays africains pour certains en forte croissance et très courtisés, en particulier par la Chine. «Faire grand, faire neuf, faire positif»: le ministère français de l'Economie prend des accents de publicitaire pour annoncer une conférence économique franco-africaine censée «refonder» la relation avec un continent de plus en plus courtisé. «Faire grand» en invitant quelque 560 représentants d'entreprises françaises et africaines, et des dizaines de ministres; «faire neuf» plutôt que de se reposer côté français sur des acquis contestés par la Chine et autres pays émergents; «faire positif» pour souligner que «l'Afrique peut contribuer à la croissance de la France», et pas seulement l'inverse: voilà comment l'un des organisateurs décrit la «Conférence économique» convoquée demain à Paris. Elle est mise sur pied conjointement par le ministère de l'Economie et la principale organisation patronale française, le Medef. Ce rendez-vous, qui sera clos par le président François Hollande et trois chefs d'Etat africains (Tanzanie, Sénégal, Côte d'Ivoire), sera suivi les 6 et 7 décembre d'un sommet de l'Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique, qui consacrera également une séance de travail au «Partenariat économique et développement». Derrière la conférence de demain perce une inquiétude: celle de voir la France distancée face à des pays africains pour certains en forte croissance et très courtisés, en particulier par la Chine, premier partenaire commercial du continent depuis 2009. En 2013, l'économie de l'Afrique devrait connaître une croissance de 4,8%, puis de 5,3% en 2014 selon le dernier rapport Perspectives économiques en Afrique (PEA) signé de plusieurs organisations internationales dont la Banque africaine de développement (BAD) et l'OCDE. Ce nouveau contexte fait l'objet d'un rapport écrit sous la houlette de l'ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, qui sera dévoilé demain. La France revendique le titre de premier investisseur en Afrique mais «perd des parts de marché» en termes de commerce, reconnaissent les organisateurs. Le continent ne pèse aujourd'hui que pour 7% du commerce extérieur français, au moment où le pays sort péniblement de la récession et guette tous les relais de croissance possibles. Et ces relais peuvent être africains. Exemple en Bretagne, dans l'ouest de la France, où le chantier naval STX de Lanester, près de Lorient, a été remis à flot au printemps avec des commandes du Togo et du Sénégal. «Il n'y a pas de territoire conquis» et si les Français «n'ont pas les mêmes moyens que les Chinois, ils ont des atouts considérables», veut-on croire au ministère de l'Economie comme au Medef, en assurant que le nombre de participants à la conférence aurait pu être doublé tant la demande était forte. La conférence déroule le tapis rouge aux pays francophones, qui pour certains investisseurs font figure de nouvel Eldorado avec leurs taux de croissance explosifs, par exemple en Côte d'Ivoire avec 8,9% et 9,8% prévus pour 2013 et 2014 (source PEA). Mais aussi aux Etats anglophones ou lusophones, où la France tente de prendre davantage pied, comme en témoignent de récentes visites officielles à forte teneur économique en Angola et en Afrique du Sud. Demain, la très influente ministre des Finances du Nigeria Ngozi Okonjo-Iweala sera présente, en revanche les représentants officiels d'Afrique du Sud ont décliné. Le Medef veut travailler à la fois sur l'offre en provenance du continent, riche en ressources pétrolières et minières, et sur une demande privée émergente. «Le vrai risque aujourd'hui, c'est de ne pas être en Afrique», assure un responsable. Ce retour de flamme suscite en Afrique des réactions diverses. «La France n'assume pas pleinement ses intérêts en Afrique car elle éprouve des difficultés à se défaire d'un sentiment de dette morale à l'égard du continent», dit un diplomate ouest-africain, qui plaide pour une relation économique décomplexée: «Non seulement on le comprendrait, on le comprend mais on l'appelle de nos voeux. Il faut sortir du complexe de culpabilité côté français et de la posture d'assistanat côté africain». Un autre diplomate africain est lui plus radical sur les nouveaux rapports de force: «L'Afrique centrale est économiquement potentiellement plus puissante que le Brésil (...) On veut bien travailler avec la France, mais si ça n'est pas possible, il y en a d'autres».