Les dirigeants des monarchies pétrolières du Golfe tiennent demain et mercredi leur sommet annuel pour discuter d'un projet d'union, rejeté d'emblée par Oman, sur fond de troubles et d'ouverture amorcée par l'Iran. L'Arabie saoudite et ses partenaires au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG), déjà mis à mal par l'impact du Printemps arabe de 2011, redoutent que l'accord historique conclu en octobre à Genève sur le programme nucléaire iranien n'aboutisse à un plus grand rapprochement entre l'Occident et la République islamique, leur rival régional. Une proposition de transformer le CCG en une union, sur le modèle de l'Union européenne, semble parallèlement marquer le pas, Oman ayant menacé de se retirer du groupe si l'idée venait à se concrétiser. Le CCG regroupe aussi l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït et le Qatar. «Le sommet se tient dans des circonstances extrêmement sensibles et délicates qui doivent conduire les Etats membres à en étudier les conséquences pour le CCG», a déclaré le secrétaire général du groupe, Abdellatif al-Zayani, dans un communiqué. Une semaine avant le sommet, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammed Jawad Zarif, a visité quatre pays du CCG pour les rassurer sur l'accord de Genève, qui prévoit le gel pendant six mois de certaines activités nucléaires de l'Iran en échange d'un assouplissement des sanctions qui étouffent l'économie de ce pays. Les relations avec l'Iran «entrent dans une nouvelle phase différente du passé, une phase extrêmement positive et constructive», a déclaré le sous-secrétaire d'Etat koweïtien aux Affaires étrangères, Khaled al-Jarallah. Mais M.Zarif n'a pas visité l'Arabie saoudite, chef de file du CCG, qu'il a exhortée à coopérer dans l'intérêt de la stabilité régionale. «L'Iran cherche à exploiter l'élan créé par l'accord sur le nucléaire et l'Arabie saoudite tente de le contenir», a déclaré l'analyste saoudien Khaled al-Dakhil. «Téhéran veut creuser un fossé entre l'Arabie saoudite et certains Etats du CCG comme Oman et le Qatar», a-t-il ajouté. Le royaume saoudien, qui a accueilli l'accord de Genève avec prudence, est engagé dans une guerre par procuration avec l'Iran en Syrie, où Riyadh soutient la rébellion, majoritairement sunnite, alors que Téhéran est le principal allié du régime du président Bachar al-Assad. Le ministre koweïtien des Affaires étrangères, cheikh Sabah Khaled Al-Sabah, a indiqué que le conflit syrien serait à l'ordre du jour du sommet de deux jours. Les dirigeants du CCG doivent également discuter de la situation en Egypte, où l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït ont soutenu le pouvoir installé par l'armée après la destitution en juillet du président islamiste Mohamed Morsi, dont le gouvernement bénéficiait du soutien du Qatar. Au menu du sommet figure aussi l'idée de transformer le CCG en une union, proposée en 2011 par l'Arabie saoudite et aussitôt soutenue par Bahreïn. Le Koweït et le Qatar ont ensuite approuvé l'idée alors que les Emirats ne se sont pas prononcés. Le ministre omanais des Affaires étrangères, Youssef ben Alaoui, dont le pays entretient de bonnes relations avec l'Iran, a annoncé samedi son rejet du projet. «Nous ne l'empêcherons pas de se réaliser (...) mais nous nous retirerons simplement» du CCG si le projet se concrétise, a-t-il déclaré. Les efforts d'une intégration économique, par la création d'une union douanière et d'une monnaie commune, marquent le pas, alors que le PIB cumulé des six membres du CCG a quintuplé en dix ans, passant à 1 600 milliards de dollars en 2012. Parallèlement, sur le plan politique, les demandes de réformes se sont multipliées dans la foulée du Printemps arabe. «Il y a une nette montée de l'ampleur des demandes de réformes dans les pays du CCG malgré la répression» policière, note Anwar al-Rachid, président du Forum du Golfe pour les organisations de la société civile. «Le changement est inévitable et la seule option qui s'offre aux familles régnantes consiste à se transformer en monarchies constitutionnelles», dit-il.