Curiosité à découvrir Haut lieu désormais incontournable de l'art indergroud contemporain à Alger, l'expo qui s'y tient jusqu'au 31 décembre, se décline en trois parties: dessin, peinture et sculpture. Celui qui verra dans le titre de cette expo (Points-Sutures) une quelconque résonance mortifère avec le sentiment de blessure psychologique humaine, en sortira déçu, voire désappointé, car le titre n'est que l'écho de ces morceaux de bronze et de fers soudés et transformés, une fois façonnés et sculptés, en une oeuvre d'art. Quoique... L'expo de Hicham Belhami, dont le vernissage a eu lieu samedi dernier au Box 24, haut lieu désormais incontournable de l'art indergroud contemporain à Alger, se décline d'emblée en trois parties: dessin, peinture et sculpture. Cette dernière est un art dans lequel l'artiste mostaganémois excelle. Les fascinantes sculptures de notre diplômé de l'école régionale des beaux-arts, sont faites, de récupération entre métal et bronze. Leur morphologie rappelle les soldats massaï (une population d'éleveurs et de guerriers semi-nomades d'Afrique de l'Est, vivant principalement dans le centre et le sud-ouest du Kenya, le nord de la Tanzanie, Ndlr). Leurs oreilles pour certains sont serties de boucles d'oreilles. Ces ministatuettes métalliques aussi bien fantaisistes qu'originales sont posées ça et là au gré du couloir du Box 24, au-dessus d'un support couvert de papier blanc derrière lequel est projetée de la lumière. Bel effort scénique déployé à retenir durant cette expo où l'agencement de l'espace a été incontestablement minutieusement étudié et cela se voit. Mais ce qui suscitera encore plus notre curiosité sera assurément ces petits bonhommes accrochés au mur et superposés l'un au-dessus de l'autre. Des hommes asexués et ayant une partie du corps teinté d'orange, du pied, en passant par la jambe jusqu'au torse. Des spectres identiques, faits sans doute d'argile, ayant tous la tête jetée en arrière comme pour accueillir un don du ciel. Intitulée à juste titre «gouttes à gouttes» cette installation met en scène les différents niveaux ou degrés de vie qu'atteint l'homme asservi. Où va cette énergie naturelle? Une connotation qui n'est pas loin sans rappeler la peinture de l'artiste exposée, l'an dernier, dans le cadre de Picturie générale mettant en scène un homme la bouche tout aussi ouverte au-dessus duquel passe un robinet géant, et un mur tapissé du sigle du dollar. Cela renvoie immanquablement au baril du pétrole que l'on bazarde alors que le peuple meurt de faim. Cela tombe bien! Une peinture représentant des barils de pétrole, il y en a une, juste en face de l'entrée du box. Dans un registre pas totalement différent ni anodin sont ces peintures intitulées «bouches peintes». Le choix de ces peintures est loin d'être fortuit. L'on distingue des portraits un peu grotesques, semi figuratifs, soulignant en filigrane le silence complice de nos dirigeants somme toute. Un des tableaux qui nous surprendra est sans doute celui de cet individu enturbanné qui rappelle un peu les émirs arabes. D'ailleurs est -ce par hasard qu'une des sculptures (la photo de l'affiche de l'expo Ndlr) met en scène un homme couronné assis sur une chaise des plus banales. Est-ce une manière pour souligner la fragilité de son trône, vacillant selon son asservissement à l'Occident peut-être? Que de sous-entendus non tarissables amènent cette belle expo qui nous fait se poser plein de questions sur l'état du monde d'aujourd'hui. Aussi, Hicham Belhamiti qui s'est déjà déplacé dans les camps des réfugiés sahraouis à Tindouf nous est revenu par des dessins ou aquarelles mettant en exergue femmes et enfants dans des couleurs chatoyantes. De touchants tableaux nés de cette rencontre avec ce peuple du Sahara occidental qui tend, tant bien que mal de survivre dans des conditions des plus misérables. Points-Sutures en tout cas sera la preuve patente qu'avec peu de moyens et sans même l'aide de l'Etat (qui régit quasiment toutes les activités culturelles dans ce pays), mais avec de la solidarité et la passion, on arrive toujours à faire des choses tant que le talent et sève créatrice sont là, indubitablement Comme dirait l'autre artiste plasticien designer qui n'est plus à présenter, Karim Sergoua: «J'ai vu du très bon travail d'un plasticien pur produit de l'Ecole algérienne, du savoir-faire, de la technicité, de l'émotion et de l'amour.» Un joli mot de la fin. Peut pas mieux faire...