Tito l'homme qui propulsa le 7e art. Vous allez voir dans ce documentaire un lieu aujourd'hui abandonné. Une ville fantôme. Une cité du cinéma dans laquelle des cinéastes algériens se sont formés. On y voit des bobines, des costumes... Depuis, le tournage, beaucoup de choses n'existent déjà plus. Cet endroit va être vendu au prix du terrain et transformé sans doute en une maison ou établissement touristique. Ces studios qui ont fait le cinéma yougoslave d'antan sont aujourd'hui perdus», révèle la réalisatrice en présentant en préambule son film. L'on s'attendait donc à voir des cinéastes défendre aussi cette cause, évoquer nos cinéastes algériens aussi. Que nenni. Le film choisit de dresser le portrait du président Tito, puisque c'était un passionné de cinéma et c'est à lui qu'on doit cette cité, aujourd'hui disparue... Le film commence. Que voit-on? Cette phrase: «Voici l'histoire d'un pays qui n'existe plus sauf au cinéma..»Quelques extraits de films tirés des archives sont dévoilés. «Le cinéma bénéficiait de la plus haute importance en Yougoslavie. La cité du film constitué, de plateaux etc, a été construite par l'Etat yougoslave...» Le président de l'association des acteurs se souvient de ce temps faste et des jours heureux du cinéma yougoslave. Que reste-t-il aujourd'hui? pas grand-chose, si ce n'est une association qui tente, tant bien que mal à sauvegarder ses vestiges, ses documents de l'oubli, cette mémoire du 7e art de ce pays, à l'instar de notre association Lumières. «Aujourd'hui, le cinéma c'est quelque chose de différent» dira cet homme dépité. Mais l'on comprend vite que ce cinéma là était d'obédience propagandiste comme fut le nôtre après l'indépendance. Sous l'impulsion du président Tito et soucieux de reconstruire le pays, il décida de bâtir une grande cité du cinéma dont le siège serait à Belgrade. Avala Film est né. Son but? réaliser entre 30 et 50 films par an à la gloire de la Yougoslavie et la guerre des partisans. Au départ, le modèle acquis était le cinéma russe qui s'apparentait à «un outil important» mais le conflit entre Tito et Staline fera vite pencher la tendance vers le cinéma hollywoodien. Le projectionniste personnel durant 32 ans de Josip Broz Tito, Leka Konstantinovic, confie que Tito «était un grand fan de cinéma» Pour preuve, il dénombra plus de 8000 films vus par son président dans le salon de la maison familiale. Des images illustrant cela, seront par la suite montrées. Le projectionniste racontera au fil d'anecdotes et d'archives exclusives comment Tito a utilisé l'industrie ciné pour créer l'histoire d'un pays qui était peut-être lui-même une fiction. Tito aimait les acteurs et ces derniers étaient presque à sa botte. Question cinéma, Tito savait être généreux en récompensant les cinéastes qui se préoccupaient de l'histoire du pays et en les aidant ainsi à produire leurs films. La preuve la plus patente est ce film La Bataille de la Neretva (Bitka na Neretvi) un film yougoslavo-américano-italo-allemand de Veljko Bulajic réalisé en 1969. Il fut nommé pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Car, après les films de propagande, le nouveau propriétaire de Avala Film optera pour la coproduction d'où le choix porté sur les Américains qui feront voyager ce film et pousser le président Tito à lancer un festival du cinéma. Des films spectaculaires vont naître ainsi. La veille du festival, il est dit que Tito regardait tous les films et donnait son avis, surtout sur les comédiens. Bien sûr, seul son comédien préféré sera primé dès lors. Tito, un homme cultivé et sympathique, certes, cependant gare à cet artiste qui osera contrecarrer ses idées. Il devra presque fuir le pays s'il ne veut pas être puni. Au-delà de l'image «propre» et presque angélique de Tito, le film laisse passer une petite échappée critique sur Tito sans trop s'attarder là-dessus. Il n'évoquera pas non plus le caractère dictatorial de sa politique qui se traduira par l'interdiction précitée du pluralisme politique et l'absence d'alternance au pouvoir. L'on apprend seulement que Tito sera président à vie, mais encore la vie sociale était dure et beaucoup de choses manquaient mais malgré tout, la vie était meilleure à cette époque-là, car d'ailleurs juste après sa mort en 1980 la guerre inter-ethniques s'installa entre les peuples à nouveau. Il est bon de rappeler par ailleurs que le maréchal Tito qui a régné durant 35 ans, fut d'abord chef du gouvernement, puis chef de l'Etat, et enfin Président à vie. «Certes il était un dictateur, mais cela ne m'étonnerait pas que ce film ait un prix car il ne faut pas oublier que Tito a aidé l'Algérie», nous dira cet averti, professionnel en 7e art à l'Université d'Alger. Une question s'impose cela dit: ce film servait -il réellement la cause de cette cité du cinéma ou bien aspirait-il à «restaurer» et redorer l'image flamboyante de Tito? A la question de savoir pourquoi s'être trop étalé sur Tito dans son film documentaire, la réalisatrice serbe nous confiera: «Je ne pouvais pas faire autrement. C'était incontournable.» Nous demeurons -tout de même sceptiques. On aurait préféré d'autant plus voir des artistes se battre pour cette cité, au lieu de dépoussiérer ces pages du passé qui ne reviendront plus. Mais sans doute, la démarche de la cinéaste était de dire qu'avant, c'était mieux.