img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P140104-05.jpg" alt=""L'Algérie, mon terreau littéraire"" / Il est angliciste, enseignant universitaire et romancier. Il est l'auteur de deux romans: Fièvre d'été et Ciel de feu, deux recueils de nouvelles Ombres dans le désordre de la nuit et La Troisième moitié de soi, ouvrage que l'on a présenté ici dans cette même rubrique. En 2012, il publie un recueil de nouvelles en anglais intitulé The Sea Yonder. Il nous revient avec un nouveau recueil intitulé Les transformations du verbe être par temps de pluie. Ecoutons-le. L'Expression: Avec une maîtrise consommée, dans un style parfois sombre et lumineux, Mustapha Bouchareb tente d'explorer l'âme humaine et ses tourments - dénuement, jalousie, passion artistique inassouvie, opportunisme criminel... Car c'est bien la quête du bonheur qui est au coeur de ce recueil. En effet, le ferment, la flamme est toujours là. Avec un rare talent, vous décrivez des parcours romanesques, cassés ou tragiques. Leur ancrage reste néanmoins réel, je suppose? Mustapha Bouchareb: Il y a toujours un ancrage dans le réel pour tout ce qui concerne le fait littéraire, me semble-t-il, mais cet ancrage est souvent multiple. C'est le cas pour ce qui est des personnages des Transformations du verbe être par temps de pluie. Chacun des personnages ou des faits est en partie un assemblage d'éléments disparates puisés dans le réel et mis en forme et en partie complètement inventés. Le résultat, en fin de compte, est de la fiction. Il est vrai que l'on n'est jamais assez attentif aux choses du présent. Ces allers-retours sur les choses du passé dénotent-ils une sorte de nostalgie, de désillusion ou peut-être un travail de mémoire? Le passé tient tout un chacun dans ses rets et il n'y a aucun moyen de s'y soustraire; il fait partie de nous et il nous fait en quelque sorte. On l'idéalise souvent tout en oubliant qu'il a peut-être été un présent pas nécessairement agréable ou un futur décevant. Il y a bien dans Les transformations du verbe être par temps de pluie une bonne dose de nostalgie que je n'ai pas recherchée délibérément, mais qui s'est imposée à moi, probablement en raison des thèmes traités. Ainsi pour moi, une bibliothèque, quelle qu'elle soit, évoque toujours pour moi la Bibliothèque nationale, celle des Tagarins, avec sa terrasse qui domine la splendide baie d'Alger et toute la ville, d'ailleurs. Etant le personnage central de la nouvelle qui donne son titre au recueil, le souvenir de la Bibliothèque nationale m'a plongé dans la nostalgie d'un temps révolu et pourtant si proche, qui a déteint sur d'autres textes. Quant à la désillusion et au travail de mémoire, je crois qu'ils sont étroitement liés au sentiment nostalgique, d'abord parce que l'on veut retrouver ce qui a été dans tous ses détails et en particulier les illusions et les espoirs d'une époque d'un point de vue tout personnel. Vous avez l'amour de l'Algérie chevillé au corps et vos évocations dans ce recueil sont toujours une source de voyage. Les textes sont beaux, la narration maîtrisée, une alchimie entre le lecteur et vous. Cependant un bémol, les récits sont courts et le lecteur tenu en haleine, reste sur sa faim... Oui, j'aime beaucoup l'Algérie, ses paysages âpres, ses gens au tempérament de feu, ses accents, ses mélopées. C'est aussi mon terreau littéraire et j'y suis de ce point de vue très attaché. Pour ce qui est de la taille des récits, c'est la nature même du genre qui l'impose et qui aussi exige une porte entrouverte en fin de récit pour amener le lecteur à imaginer ou entrevoir lui-même une suite s'il en ressent le besoin. Mais j'en suggère une très discrètement quand même. C'est un peu la technique du sourire mystérieux d'Edgar Poë. Vous décrivez avec beaucoup d'humanisme, d'émotion et de sensibilité ces destins ou desseins inaboutis, ces vies qui dérivent silencieusement... et dans cette quête perpétuelle se dégage une grande force intérieure - ce qui est fatal est toujours puissant - Une réflexion philosophique sur l'absurdité de la vie et l'inexorable finitude? Cette question est bien vaste pour être contenue dans quelques nouvelles, mais je crois que nul n'y échappe, d'une manière ou d'une autre. Nous sommes tous confrontés au sens de nos vies propres, de leur utilité et surtout de leur inéluctable fin. Chacun se démène comme il peut pour faire face à cette dimension de la condition humaine et ce qu'on a trouvé de mieux, je crois, c'est d'opposer au destin implacable notre inextinguible désir de bonheur. Des références bibliographiques, une littérature constellée de poèmes d'amour et la quintessence, cette leçon magistrale donnée à ce chercheur méprisant dans une recherche académique, avec cette rage d'exister. Est-ce autobiographique? Je suis un littéraire de formation, donc hanté par quantité de textes lus et décortiqués tout autant par plaisir que dans un contexte universitaire tout entièrement voué à ce genre d'activité. Ces références peuvent surgir dans mes textes plus ou moins inconsciemment, mais elles m'aident à faire se mouvoir un récit et à le mener à bien. Evidemment, je ne résiste pas au plaisir d'en inventer aussi et de les attribuer à d'autres auteurs. La question de ce qui est autobiographique dans un texte et de ce qui ne l'est pas se posera toujours. Dans le cas de la nouvelle centrale de mon recueil à laquelle vous faites référence et qui donne son titre à l'ensemble, j'avais envisagé d'écrire un texte un peu moqueur sur le milieu universitaire et sur celui de la recherche en ayant à l'esprit certains collègues. Mais le sujet m'a dépassé, d'abord, puis complètement échappé pour se dérouler, en fin de compte, selon sa dynamique propre et prendre une tournure autre que celle que j'avais prévue -philosophique en quelque sorte, puisqu'il s'agit rien de moins que d'une possible compréhension de l'être et de son essence. Parlez-nous de votre dernier ouvrage en anglais. En fait, il s'agit de textes complètement réécrits à partir de textes originaux publiés en français, mais qui avaient pour certains, une trame en anglais. En fait, j'ai pu mener à bien ce travail grâce à des collègues anglicistes et anglophones qui voulaient me lire. Un roman en chantier? Peut-être le best-seller de la nouvelle année, j'espère. Les best-sellers dépendent de l'air du temps et même les spécialistes en la matière ne peuvent pas toujours les prévoir. En tout cas, je travaille à un nouveau projet. Un dernier mot pour le lecteur. Le lecteur est pour moi un double fraternel, une voix qui sans cesse en silence me hèle pour me pousser à encore écrire. J'espère qu'il trouve quelque plaisir à me lire.