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Les SDF d'Oran s'expriment
UN FILM DOCUMENTAIRE LEUR A ETE CONSACRE
Publié dans L'Expression le 06 - 01 - 2014


Les SDF à l'écran
«La société n'est pas clémente vis-à-vis de cette couche de citoyens, ces SDF sont rejetés de partout», a affirmé le réalisateur de Sans Adresse, Amine Djaïder.
Qui a dit que les jeunes débutants dans la production cinématographique ne réussissent pas dans leurs missions en dépit du peu de moyens dont ils disposent? Sans Adresse est le titre du film documentaire de 26 minutes qui a été coréalisé par Mansourah Nazim, Benfeda Amina, Redjouh Houda et Djaïder Amine.
L'oeuvre a été projetée samedi dernier à l'occasion du lancement du ciné-club de l'Association Santé Sidi El Houari, SDH. L'oeuvre est un film documentaire qui traite, dans tous ses angles, la lancinante et insoluble question des personnes sans domicile fixe, les SDF qui n'ont rien d'autre que la rue, de jour comme de nuit.
Le film, aux images et témoignages émouvants, est un appel violent destiné à l'attention des pouvoirs publics devant passer en urgence à la prise en charge des personnes sans domicile fixe, les SDF. Ces derniers souffrent, d'autant que la période du froid glacial est à son comble.
Les producteurs, qui sont tout aussi les réalisateurs, de l'oeuvre ont jugé utile de consacrer un film de 26 minutes à ces hommes, femmes et adolescents admonestés là où ils sont de passage alors qu'ils sont réellement dans l'extrême besoin d'un regard clément et indulgent devant émaner, aussi bien des pouvoirs publics que de la société. «Ces SDF vivent dans la douleur permanente et le rejet fréquent affiché tant par leurs familles que par la société», a affirmé Amine Djaïder.
Les quatre réalisateurs du film ont, dans leur approche, réussi à accrocher plusieurs hommes et femmes vivant sous la belle étoile et pu leur arracher autant de confessions. A chacun de ces SDF, sa vision des choses, mais ils convergent tous vers une seule idée, ils sont tous victimes de l'incompréhension et des paradoxes qui caractérisent une société bâtie sur des pensées, souvent sur des regards liés à des idées archaïques condamnant toute personne qui leur est différente. Amine Djaïder est allé loin dans la réalisation de son oeuvre en incarnant un des rôles difficiles à interpréter. Il s'agit d'incarner le personnage d'un SDF désemparé, la finalité recherchée étant de bien comprendre et cerner la problématique de ces gens mal vus et ce, aux fins de mieux transmettre le message à qui de droit, notamment les populations locales appelées à aider ces personnes vulnérables. Dans son enquête, il sera stupéfait de ses découvertes, le mal découlant du vécu des sans domicile fixe est plus profond. Djaïder déduira donc que «la société est très dure vis-à-vis de cette couche de citoyens, ces SDF sont rejetés de partout». Une telle confession a été faite lors du débat qui suivit la projection de son film. «Ce n'était pas facile», a-t-il ajouté avant d'enchaîner en déclarant que «durant les quatre mois de travail, j'ai découvert des choses incroyables, notamment lorsque je me suis mis dans la peau d'un SDF». Les quatre jeunes cinéastes ont poussé le bouchon un peu plus loin en apprivoisant de près les SDF durant le tournage de leur reportage, une façon d'arracher des aveux. Plusieurs de ces derniers (SDF) se sont relâchés et laissé libre cours à leurs mouvements en faisant des confessions stupéfiantes, notamment, sur leur rejet catégorique des maisons d'accueil, appelées dans le jargon local Diar Rahma aux services tant vantés par les pouvoirs publics, en premier lieu par les services de l'action sociale.
Le consensus est commun, les personnes élisant la belle étoile pour passer leurs longues nuits, ont été unanimes à dire que Diar Rahma ne répondent plus à leurs ambitions. «Je veux jouir de ma liberté, sortir et rentrer quand je veux», a affirmé un SDF qui a indiqué: «Je suis tétanisé dès que je vois la voiture de la Protection civile arriver pour me chercher afin de me déposer dans la maison des vieux.» Un tel aveu a été suivi par un bloc de véhémences lancées vis-à-vis de ces maisons censées prendre en charge ces personnes.
«Les SDF sont des humains normaux qui quêtent et vivent entièrement leur liberté, ils se rebellent contre la société», a expliqué le président de l'Association SDH, le Dr Brikssi Kamel ajoutant que «le film réalisé à l'honneur des ces personnes pose une sérieuse problématique, c'est déjà un début de solution». Et d'ajouter en déclarant que «le sujet du film est courageux».
Le Dr Brikssi, très connu dans la cité pour son franc-parler, a sévèrement critiqué la politique entérinée par l'Etat vis-à-vis de cette catégorie de la société qui est en droit de jouir de tous ses droits.
Il s'interroge en déclarant: «Comment se fait-il que l'opération de prise en charge de ces gens soit baptisée au nom de «ramassage des SDF»? N'y a-t-il pas une appellation meilleure autre que celle-là qui est dégradante des valeurs humaines?» Dans sa pléiade de ses questionnements, le président de l'Association Santé Sidi El Houari n'a pas mâché ses mots en lançant des appels directs et sans aucune gêne à l'égard des responsables de l'action sociale. A-t-on cherché les raisons principales qui poussent ces SDF à fuir les maisons d'accueil, Diar Rahma? Il dira en une phrase qui a tout résumé le mal de ces personnes vulnérables. «Outre leur vouloir quant à jouir pleinement de leur liberté, ils sont victimes d'exploitation sexuelle et de tant d'autres faits.» Le réalisateur Zakaria Kaddour Brahim a, pour sa part, été aux anges en félicitant les quatre jeunes réalisateurs pour avoir cassé l'un des tabous qui entourent la société algérienne, parler sans aucune censure des SDF. Zakaria Kaddour Brahim, emprisonné et suspendu en 1974 pour son film intitulé Soleil, met à l'index les censeurs des années de chape de plomb.
«Dans notre jeunesse, nous avons constaté ce phénomène, mais nous n'avons rien pu faire vu la censure d'alors», a-t-il déploré. Et d'ajouter en déclarant que «Sans Adresse peut prendre part aux festivals du cinéma organisés un peu partout dans le monde». En définitive, les quatre débutants ont-ils réussi à marquer plusieurs points là ou les grands professionnels du cinéma ont échoué? Est-ce parce que le sujet n'est pas rentable sur le plan financier que les professionnels évitent de tels sujets?


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