De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Au regard du froid exceptionnel qui s'est abattu sur la wilaya ces derniers jours, la logique aurait voulu que les pouvoirs publics d'Oran décident de mesures tout aussi exceptionnelles pour prendre en charge la catégorie des sans domicile fixe. Il n'en est rien : cette année encore, hormis l'intensification de l'éternel «ramassage» des SDF et leur transfert aux locaux de Diar Rahma de Misserghine (à une quinzaine de kilomètres de la ville d'Oran), ni programme spécial ni disposition particulière n'ont été pris pour réchauffer les soirées de cette population marginalisée. Depuis le début du mois de décembre, ces opérations, menées par les services de la Protection civile et la direction de l'action sociale, ont conduit au «ramassage» de plusieurs dizaines de sans-abri. Selon les chiffres officiels, une dizaine de personnes, en moyenne, sont quotidiennement évacuées vers Diar El Rahma. «Chaque semaine, nous récupérons des dizaines de SDF que nous transportons, souvent de force, à Misserghine. Mais nous sommes souvent confrontés au refus de certains SDF de s'installer à Diar Rahma où ils peuvent aussi bien bénéficier d'un toit, de nourriture ainsi que d'une possible réinsertion. Certains SDF nous ont ri au nez en nous affirmant qu'ils pouvaient gagner 1 000 DA par jour, juste en tendant la main», a expliqué l'une des employées de la DAS. Après le «ramassage», une commission multisectorielle se rend le lendemain matin au centre pour étudier les dossiers des SDF et décider des mesures à prendre. Entre autres mesures prévues, le renvoi des SDF dans leurs wilayas d'origine et le transfert des malades mentaux à l'hôpital psychiatrique de Sidi Chami pour ne garder que les véritables personnes dans le besoin. Au cours d'une sortie de «ramassage» à laquelle les médias étaient invités, il y a quelque temps, il a été donné aux journalistes de constater qu'un certain nombre de SDF refusaient effectivement de quitter leurs cartons (auxquels quelques-uns s'étaient même scotchés) : «Certains n'acceptent pas la vie en communauté avec des règles, avait expliqué une psychologue. Ils préfèrent vivre en marge de la société même s'ils manquent de tout et qu'ils soient souvent sujets aux agressions. D'ailleurs, on a beau les emmener de force, ils reviennent toujours à leur place, auprès de leurs bouts de carton et de plastique.» Jusqu'ici, personne à Oran ne connaît, avec exactitude, le nombre de ces SDF (dont des femmes et des enfants) qui végètent un peu partout sur le territoire de la wilaya : malgré le recensement général de la population effectué en avril dernier et le recensement spécifique de la DAS durant l'été dernier, on avance avec beaucoup de précautions et de prudence le nombre de 400 : «La mobilité et le nomadisme de cette catégorie de la société rendent la tâche ardue», explique-t-on auprès de la DAS. Ainsi et alors que le phénomène prend des proportions alarmantes (le citoyen lambda le constate tous les jours), les autorités locales n'arrivent toujours pas à évaluer avec exactitude le nombre des SDF que l'on rencontre désormais partout et très fréquemment : «Comment alors prétendre élaborer une politique de prise en charge de cette catégorie, se demande-t-on parmi les Oranais. Et où sont les nouvelles infrastructures destinées aux SDF, dont les pouvoirs publics parlent depuis quelque temps ?» En tout état de cause, cette année encore, rien n'a changé pour les sans domicile fixe, bien que les responsables aient à maintes reprises assuré vouloir mettre en place une véritable politique de prise en charge des marginalisés. Et, à écouter les projections des responsables pour l'année 2009, il est clair que la situation ne sera pas plus clémente l'année prochaine. Question de priorités…