Les Etats-Unis n'ont d'autre choix que de tabler sur l'Alliance du Nord, après l'échec de la guerre secrète promise par Bush. Depuis le début des bombardements américains sur l'Afghanistan, l'Alliance du Nord n'a cessé d'appeler à une aide militaire de la part des «alliés». L'opposition a estimé que des opérations uniquement aériennes ne pourront pas faire tomber le régime de Kaboul et que «la seule solution» est une action de combattants afghans au sol coordonnée avec les Etats-Unis. Ces appels sont restés sans écho du côté de Washington qui, selon des observateurs, a même bloqué les actions militaires de l'opposition. Au fait, pour la gestion du conflit, l'administration américaine avait une double approche. Tenter de diviser les taliban tout en les maintenant sous la pression des bombardements. La division des miliciens relèverait d'un véritable scénario bien ficelé par la CIA. L'on se souvient de la guerre secrète promise par Bush parallèlement aux «frappes aériennes». On se rappelle également son appel lancé aux «taliban modérés» pour se soulever contre le régime de Kaboul. Sur le plan géopolitique, ce plan avait plusieurs avantages. Ecarter l'Alliance du Nord dans la reconquête de Kaboul et honorer par la même, le deal passé avec le pouvoir pakistanais dont le pire cauchemar serait de voir l'opposition prendre les rênes à Kaboul. Ensuite installer un gouvernement à «large coalition» modulable au gré du pragmatisme américain quand il sera question des affaires économiques. Tant mieux, ou tant pis, c'est selon. Le plan trop ébruité a été déjoué par les taliban. En quoi consistait-il? Il était le suivant: envoyer un chef de guerre respecté et un royaliste en mission secrète en Afghanistan pour fomenter une révolte tribale, diviser les taliban et priver Ben Laden de protection. Deux hommes ont été choisis pour mener à bien la mission: Afghans respectés, ayant des relations et prêts à prendre le risque de négocier derrière les lignes des taliban. Le premier, Abdul Haq, avait gagné un statut de héros dans la résistance à l'armée soviétique, le second, Hamid Karzaï, royaliste issu de l'ethnie pachtoune, pouvait également se prévaloir de s'être bien battu contre les Soviétiques. Autant de cartes susceptibles d'attirer des Afghans lassés de l'islam puritain imposé par les taliban. Lorsque Abdul Haq s'est mis en route, le secret de son voyage dans la province de Logar (est de l'Afghanistan) censée abriter des chefs modérés a été largement éventé. La mission de Hamid Karzaï a été, elle aussi, ébruitée au Pakistan alors que les deux hommes étaient entrés clandestinement en Afghanistan. Karzaï, découvert par les taliban, a eu de justesse la vie sauve alors que Abdul Haq a été tout simplement exécuté. Décrivant l'échec de la mission, un diplomate occidental a déclaré: «Absolument catastrophique, la pire nouvelle de toute la guerre.» Au-delà du destin personnel des deux hommes, leur échec a signé la fin de toute tentative de rallier, par la négociation ou l'appât du gain, ceux que Bush a appelés «Les taliban modérés». A l'inverse, la réussite du scénario aurait apaisé les craintes de Mucharraf qu'agace la perspective de voir les Pachtounes perdre le pouvoir à Kaboul. Désormais, les Etats-Unis n'ont d'autre choix que de tabler sur l'Alliance du Nord. Des sources russes annoncent déjà 300 militaires US en Afghanistan sous contrôle des forces de l'Alliance du Nord. C'est ce qui expliquerait l'activité intense de Mucharraf. Après l'entrevue avec Rumsfeld, il rencontrera Blair le 8 novembre et s'entretiendra avec Bush le 10 du même mois. Cela expliquerait également l'appel lancé par Bush aux Américains «d'être patients», puisque le défi est militairement considérable dans un champ de mine géopolitique.