Les forces spéciales US ont, pour la première fois, coordonné une attaque au sol avec l'Alliance du Nord. Des avions de combat américains ont bombardé, hier, les lignes de front des taliban, dans le nord de l'Afghanistan, après une attaque coordonnée «sol-air» entre les forces de l'opposition et une équipe de 20 membres des forces spéciales US. Mohamed Atta, l'un des principaux chefs de guerre de l'Alliance du Nord, a déclaré que 10 à 20 combattants taliban ont été tués et plusieurs véhicules détruits lors de ces combats de nuit, qui se sont déroulés à Kechendeh, à 70km au sud de Mazar-e-Charif. Depuis le début des bombardements sur l'Afghanistan, l'opposition n'a cessé de demander de l'aide aux Américains pour combattre les taliban au pouvoir. Elle a également multiplié les appels du pied pour devenir le fer de lance sur le terrain et le bras armé des forces américaines. Cette coordination entre l'opposition, les forces spéciales US au sol et des bombardiers, illustre-t-elle un changement tactique dans la campagne militaire? S'agit-il d'une option stratégique qui est tissée aux dépens du pouvoir pakistanais? Rappelons que ce dernier conteste ouvertement l'émergence de l'Alliance du Nord en tant que partie incontournable du conflit. Anticipant un éventuel mécontentement de Mucharraf, le secrétaire américain à la Défense a signifié que les frappes aériennes «sont clairement destinées à aider ces forces au sol, afin qu'elles puissent être capables d'occuper davantage de terrain». Il va sans dire que la prise de Mazar-e-Charif, considérée comme la clé de voûte de contrôle du Nord par les taliban, fournirait aux forces américaines, basées en Ouzbékistan, une base vers l'arrière pays afghan. Mais les observateurs décèlent, à travers l'opération coordonnée d'hier, les prémices d'un compromis entre Washington et Moscou. Le président Poutine, qui a déjà exprimé son refus de voir des taliban au sein du futur gouvernement, a déclaré que son homologue américain a fait preuve de «compréhension» envers la position russe. Les tractations sur l'après-taliban se poursuivent de plus belle, et «les taliban modérés» sont invités à une réunion sur l'avenir de l'Afghanistan, qui se déroulera au Pakistan.Les miliciens, fidèles au mollah Omar, en dépit de tout cela, ont repoussé l'offensive de l'Alliance du Nord et ont nargué les Américains. En effet, ils ont tiré, hier, deux missiles sur la ville de Charikar, contrôlée par l'opposition au nord de Kaboul. Deux civils afghans ont été tués et des dizaines d'autres blessés. Après des bombardements intensifs, pendant deux semaines, et une opération terrestre qualifiée de réussie, les Américains n'ont pas atteint leur objectif premier, à savoir la capture de Ben Laden. Aussi, selon les observateurs, leur offensive contre les taliban risque-t-elle de se heurter à des écueils qui surgiront de façon concomitante : un hiver redoutable en Afghanistan où les températures atteignent jusqu'à - 20°C dans certaines régions, et le Ramadan, qui pourrait conforter l'idée de ceux qui pensent qu'il s'agit d'une guerre contre l'Islam.