Une solidarité agissante de jour comme de nuit La grande marmite bouillonnait dans le domicile de Kader SDF tandis que les Amis des pauvres s'affairaient à remplir les sachets en pain, oeufs et yaourts. «Nous entamons notre mission à chaque hiver à partir du mois de décembre pour ne l'achever qu'à la fin mars.» Une telle déclaration a été faite dimanche dernier par Bounab Abdelkader, surnommé Kader SDF. Ce dernier, en compagnie de Ghoumari Anouar se mettent à leur besogne de solidarité chaque jour aux fins d'assurer 100 repas chauds qu'ils distribueront au profit des personnes SDF. Cette action citoyenne, loin de toute instrumentalisation politique ou institutionnelle, est menée quotidiennement dans le cadre d'une solidarité agissante qui s'accroît de jour en jour et ce, à la faveur de la multiplication des Amis des pauvres constitués essentiellement de l'élue à l'APW Malika Rekab-Belkadi, Bounab Abdelkader, Ghoumari Anouar, Chiali Adel, Belaïd Abdelkader, Mentefekh Salahdine. Ces derniers se sont regroupés dans le salon de coiffure de Bounab Abdelkader sis dans le quartier appelé l'hippodrome, pas loin d'El Makari, ex-Saint-Eugène. Aussitôt regroupés, ils se mettent chacun dans un travail qu'ils perfectionnent sans défaut, préparer la sortie de la soirée en vue de faire nourrir ces dizaines de sans domiciles fixe qui attendent un peu partout dans les rues, coins et recoins de la ville. La norvégienne (grande marmite) pleine de lentilles, bouillonnait dans le domicile de Kader SDF tandis que les Amis des pauvres emballaient le pain, l'eau, les oeufs, et yaourts dans des sachets. D'autres bénévoles, comme Omar et ses camarades stationnaient leurs voitures devant le point de départ, le domicile de Kader SDF. 19h a sonné, c'est le départ, les volontaires pressent le pas pour entamer et surtout réussir leur tâche d'autant plus que les SDF, livrés à un froid glacial de la rue, attendaient impatiemment l'arrivée de ces bienfaiteurs. Le premier point ciblé est le quartier Bel Air, tout près du somptueux siège abritant les différents services de la wilaya d'Oran. Un sans domicile, la cinquantaine, ayant élu comme toit un portail d'une école, a été aussitôt servi. En quête de sécurité Les convoyeurs du ravitaillement prennent la destination de plusieurs quartiers et autres points connus pour être le fief privilégié des sans abri comme le mur de la Garnison et celui de l'entreprise des manifestations économiques et commerciales, Emmec d'Oran, mitoyens de la maison d'arrêt d'Oran. Ces deux murs constituent le quartier général du regroupement nocturne des personnes n'ayant pas de gîte pour les abriter. Une trentaine de personnes venues de différentes régions du pays se rencontrent et chaque soir pour se regrouper et fuir en même temps les humeurs imprévisibles des drogués, des alcooliques et des voyous de tout genre qui sévissent une fois la nuit tombée. «Ils optent pour ce lieu par mesure de sécurité», a indiqué un policier en faction dans un barrage de contrôle situé tout près de la maison d'arrêt et l'hôpital d'Oran. Un autre groupe constitué d'une dizaine de sans domicile fixe, hommes et femmes, ont élu les murs des bâtisses faisant face au siége de la sûreté de la wilaya d'Oran. Là encore, la question de leur sécurité a été avancée. Les barbus s'ingèrent Associations et organisations nationales rivalisent d'ingéniosité et de générosité depuis le début de la période du grand froid où tout acte de solidarité et d'entraide est synonyme d'oeuvre de bienfaisance, en témoignent la distribution à grande échelle des repas chauds calorifiques et énergisants un peu partout dans les coins abritant les personnes vulnérables. Jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, nombreux sont ces Oranais qui ont choisi d'adhérer à cette opération en tant que bénévoles pour se consacrer aux oeuvres de bienfaisance loin de toute récupération ou ambition politique. Si les étudiants préfèrent passer leur temps à prêter aide et assistance aux plus démunis, notamment les SDF, les mem-bres d'associations d'Oran, en grand nombre optent pour les budgets et s'évaporent sans rien faire jusqu'à la prochaine distribution des subventions d'Etat. Ces jeunes, notamment ceux-là qui ont choisi le nom des Amis des pauvres excellent dans la récolte des dons comme ils excellent tout aussi dans leur refus catégorique de l'argent. «Nous n'acceptons jamais d'argent, nos donateurs font dons de vivres que nous récupérons avant de les préparer pour les redonner ensuite à qui de droit, en l'occurrence les SDF de tous les quartiers d'Oran», a affirmé Kader SDF. Les barbus, eux, n'ont pas froid aux yeux en tentant vainement d'accaparer toutes les actions humanitaires comme si la bienfaisance est leur propriété exclusive. Malika Rekab, cette bénévole qui est élue à l'APW d'Oran a dans le sillage d'une action, été approchée par un barbu qui lui a tenu un discours haineux vis-à-vis des femmes tout en l'instruisant que «la place de la femme est au foyer». «Je me foutais royalement de lui et de son discours», a répliqué violemment la bénévole qui continue à poursuivre ses actions en compagnie des Amis des pauvres après avoir soutenu et accompagné, l'année dernière, toutes les actions humanitaires menées par Ness El Kheir et Jeunesse intellectuelle d'Oran. Le même scénario revient cette année, ces barbus, porteurs d'une mission politique suspecte, tentent vainement de convaincre. Les bienfaiteurs ne leur font plus confiance. Pis encore, leurs actions sont rejetées. Il n'y a pas de fumée sans feu. Les actions de ces gens sont souvent liées à leur activisme politique. Or, les jeunes activistes dans le domaine de l'humanisme tournent le dos à la chose politique. «Nos donneurs passent inaperçus en évitant les feux de la rampe et la publicité alors qu'eux (barbus) tentent vaille que vaille d'accaparer le terrain rien que pour plaire», a déploré un SDF retrouvé malgré lui dans la rue. Une rude rivalité autour des actions caritatives oppose donc les bienfaiteurs libres dans leur activisme et ceux venus en mission politique. L'origine de la solidarité Les Amis des pauvres se sont créés pendant le rigoureux hiver de 2010 au cours duquel une vague de froid venant d'Orient a sévèrement sévi dans le pays. Kader SDF est passé à l'action en créant son réseau en compagnie de Ghoumari Anouar, la finalité recherchée étant de nourrir les sans domicile fixe. Durant cette saison, les Amis des pauvres ont mis 200 repas chauds à leur disposition. Ils récidivent durant la saison 2011-2012 en servant 1600 plats chauds. Un petit pépin s'est posé durant l'hiver 2011-2012, les dons ont cessé, faute de donneurs. Un petit message, tant émouvant, diffusé par le biais de la radio locale a bien fait les choses: les donneurs ont commencé par se bousculer en proposant des vivres et des denrées alimentaires. Le plein a été fait quelques jours après. Et de nouveau, la machine s'est remise de plus belle à l'action, la saison a été sauvée en la clôturant par un bilan de 5300 repas chauds fournis aux nécessiteux des rues d'Oran. En 2013, les Amis des pauvres ont doublé d'efforts en proposant plus de 11.000 plats. Cette année, les Amis des pauvres misent gros pour finir en beauté leur rude tâche. Pour ce faire, ils se sont mis aux technologies de l'information en occupant les réseaux sociaux, en ouvrant une page Facebook à travers laquelle chacun des membres fait appel à ses camarades aux fins de se serrer les coudes dans une mission tout aussi noble qu'est la prise en charge des personnes rejetées aussi bien par les pouvoirs publics que par la société.