Les affrontements se poursuivent de façon dangereuse Le ton rassurant des autorités n'est pas suffisant pour calmer la situation. C'est comme si on cassait le thermomètre pour se convaincre que la fièvre est tombée. Elle était verte ma vallée. Aujourd'hui, elle brûle. Elle mettra longtemps pour s'en remettre, car encore une fois, il y a eu mort d'homme. Du sang a coulé à Ghardaïa et la situation s'est dangereusement dégradée depuis avant-hier, quand les affrontements entre les deux communautés, mozabite et chaâmbie, ont repris, plongeant cette partie du pays dans le chaos au point de frôler l'irrémédiable. Ecoles, universités, et commerces fermés. Depuis hier, Ghardaïa est une ville quasiment morte. Le jeune Mozabite, Kebaïli Baelhadj, a été poignardé au coeur au niveau de la palmeraie Touzouz. Agé de 35 ans, maçon de son état, il laisse une veuve et trois orphelins. Le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz a confirmé, hier à Alger, que les incidents survenus dimanche dans la wilaya de Ghardaïa ont fait un mort et 10 blessés. M.Belaïz qui s'est recueilli à la mémoire de la victime et présenté ses condoléances à sa famille, a encore fait savoir que «10 personnes, dont trois policiers», ont été blessés, soulignant que «les échauffourées ont cessé rapidement grâce à l'intervention des services de sécurité». Un retour à la normale est constaté. «Depuis dimanche soir à l'exception de quelques commerces et écoles qui sont restés fermés, leurs propriétaires déclarent craindre pour leurs biens et leurs enfants», a ajouté M.Belaïz. «Je pense que les commerces reprendront leur activité et que les écoles rouvriront leurs portes maintenant que la sécurité est renforcée par les services de la gendarmerie et de la sécurité nationales», a soutenu le ministre. Mais ce ton rassurant n'est pas suffisant pour calmer la situation. C'est comme si on cassait le thermomètre pour se convaincre que la fièvre est tombée. Sur le terrain, le volcan de Ghardaïa s'est réveillé et la tension s'est brutalement aggravée. Les faits sont d'autant plus graves qu'ils interviennent au lendemain de la visite spéciale effectuée par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, accompagné de son ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah. La médication préconisée par le Premier ministre, n'a pas eu d'effet. Qui a torpillé l'initiative du Premier ministre? Ou alors y a-t-il une quelconque officine qui pousse à «noyer» M.Sellal dans cette crise? Qui est cette officine? Pourquoi adopte-t-elle cette démarche et dans quel but? Le pire est à craindre, aussi bien pour la communauté mozabite livrée aux attaques de certains jeunes Chaâmbis, mais aussi pour ces derniers qui risquent d'endosser injustement les graves dérives qui découleront de cette crise. Les affrontements se poursuivent de façon dangereuse et la situation risque de basculer vers l'irréparable. Des sources crédibles rapportent qu'une délégation composée par les deux communautés allait être reçue à la présidence de la République. De même qu'une conférence de presse se tiendra ce matin au siège du journal El Watan. Auparavant, une réunion a regroupé des notables de la région avec le wali. On croit savoir que lors de cette réunion, il a été établi que les autorités sécuritaires et politiques du pays ne maîtrisent pas la situation. Des citoyens de Ghardaïa accusent directement les forces de sécurité qui, par leur comportement, ont enflammé la situation. D'où cette revendication exigeant le départ de la police. Nous ne sommes qu'au début d'un phénomène qui rappelle étrangement les événements du printemps noir de 2001 en Kabylie. Les citoyens avaient demandé le départ de la gendarmerie en Kabylie. C'est la police qui est indésirable à Ghardaïa. Le slogan phare en Kabylie a été «Ulac smah» qui signifie, «pas d'impunité». En d'autres termes, les gendarmes reconnus coupables d'avoir tué à l'arme de guerre des jeunes manifestants dans la rue, devaient être jugés et condamnés. Par un glissement sémantique, par ailleurs voulu, le fameux slogan «Ulac smah» est devenu «pas de pardon». Le même phénomène se reproduit aujourd'hui à Ghardaïa. Preuve à l'appui: des policiers ont été accusés de complicité grave avec des manifestants qui saccageaient et brûlaient. Les pouvoirs publics vont-ils les sanctionner? C'est la seule issue à même de rétablir la confiance avec les citoyens de cette région qui commencent à douter de la volonté politique des autorités. «Ce n'est pas un problème entre Arabes et Mozabites, mais c'est le problème du pouvoir algérien qui manipule cette question pour des raisons que l'on ignore. Nous sommes des victimes chroniques», s'insurge le militant des droits de l'homme, Kamel Eddine Fekhar.