On a beau agiter l'épouvantail du chaos, distiller les promesses d'un futur paradis algérien, le branlant train politique peine à démarrer. La désaffection pour la chose politique n'est pas une spécificité algérienne, mais il y a des seuils de tolérance au-delà desquels il est légitime de s'inquiéter, voire même alerter. Qu'en est-il de la campagne électorale pour la présidentielle du 17 avril prochain? Les remous sociaux et politiques qui ont précédé cette échéance n'ont pas suffi pour emballer les électeurs si bien que trois jours après le début de la campagne électorale, la morosité est loin d'être une exception réservée à certaines villes ou à certains candidats. Elle en est la règle. Des salles clairsemées avec parfois des enfants pour meubler les lieux, des affiches très timides, des spots publicitaires et autres visuels, comme les tee-shirts, les casquettes ou les chansons, sont aussi absents. Sur le Net, les réseaux sont loin de s'emballer pour ce rendez-vous, pourtant capital. On a beau agiter l'épouvantail du chaos, distiller les promesses d'un futur paradis algérien, le branlant train politique peine à démarrer. Loin d'être captivante, la campagne électorale reste insipide, incolore et inodore. C'est ce que relèvent la plupart des journaux de la presse étatique et privée. La presse nationale fait remarquer que les premiers jours de cette campagne sont consacrés à la réforme des institutions de l'Etat et de la Constitution. La réforme des institutions au coeur des discours des candidats Abdelaziz Belaïd, Ali Benflis, Abdelaziz Bouteflika, Moussa Touati, Ali Fewzi Rebaïne et Louisa Hanoune, titre en une le quotidien Horizons. En toile de fond, «le scrutin du renouveau national sonne les urgences de l'Algérie de la stabilité et de la construction démocratique», note Horizons dans un commentaire. Plus critique, El Khabar constate que les candidats sont «incapables de faire le plein» des salles lors de leurs meetings à travers les wilayas, «ce qui se répercute sur le déroulement de la campagne électorale». El Watan, qui titre en manchette «5 candidats à l'épreuve du marathon électoral», estime que «les villes choisies par les candidats pour entamer leur campagne relèvent à la fois de critères symboliques, affectifs et aussi arithmétiques, dans le but de faire le plein». Echourouk El Youmi a mis l'accent dans un commentaire sur le changement des critères de sélection de candidats chez la population. «Les gens aspirent à ce qu'ils soient gouvernés sur la base de programmes opérationnels et non à travers des promesses irréalistes, ils aspirent à ce qu'ils soient dirigés par des personnes compétentes, propres et honnêtes et non par des individus qui ne réalisent pas ce qu'ils promettent», explique-t-il. Optimistes, les observateurs soutiennent qu'elle ira crescendo pour atteindre son summum durant la dernière semaine. Ils décèlent d'ailleurs, dans les propos des candidats, des piques annonciatrices d'une confrontation violente. Des thèmes lourds comme celui de la dilapidation des biens publics, du fameux dossier de la corruption, des dossiers comme celui de Sonatrach I et II, celui de l'autoroute Est-Ouest, donneront du tonus à cette campagne. Elle sera davantage pimentée rien qu'à l'évocation des noms sulfureux comme celui de l'ancien ministre de l'Energie Chakib Khelil et de Farid Bédjaoui neveu de l'ancien ministre des Affaires étrangères. C'est à l'image d'une arène où les gladiateurs s'échauffent dans un round d'observation avant de s'affronter de manière violente. Pour le moment, on se concentre sur l'adversaire, on le scrute, on comptabilise ses erreurs et les meetings se limitent aux questions sociales et surtout économiques. Le pire, le meilleur est la fin. Il faut s'attendre à des joutes sans pitié où tous les violents coups seront permis. «Nous ne sommes pas dans une mosquée, on fait de la politique où la morale et les états d'âme n'ont pas de place. A ce niveau de la confrontation on ne se fait pas de cadeaux», confie un directeur de campagne de l'un des six candidats. On n'en est qu'au début des hostilités et la campagne ne draine pas les foules. Cela est-il dû à une désaffection des Algériens pour la politique, aux vacances scolaires ou tout simplement à un déficit de marketing politique chez les candidats? En réalité, ce sont tous ces éléments réunis qui font défaut. Et plus encore, le marketing politique est quasi-inexistant chez nos candidats. Pourtant, la vulgarisation de cette pratique pourrait contribuer à la stabilité sociopolitique du pays où les candidats jouent souvent sur la fibre ethnique et régionaliste. Au lieu de faire la promotion des idées, des propositions rationnelles, les partis préfèrent représenter une ethnie, une région, ou encore une religion pour espérer avoir des électeurs.