Abdelmalek Sellal rendant visite aux journalistes blessés C'est la première fois depuis le début de la campagne électorale qu'un meeting est empêché par des citoyens qui se disent opposés à la présidentielle. Le meeting électoral que devait animer, hier à Béjaïa, le directeur de campagne électorale du candidat Bouteflika, Abdelmalek Sellal, n'a pas eu lieu. La manifestation voulue pacifique s'est vite transformée en affrontements. Il était empêché par quelques centaines de jeunes qui se sont rassemblés devant la Maison de la culture pour exprimer leur opposition au 4e mandat. Ces derniers portent des banderoles hostiles au 4e mandat et scandent des slogans anti-pouvoir comme «pouvoir assassin», «ulac smah ula»c, «ulac l'vote ulac» et «Algérie libre et démocratique». Les prémices d'un empêchement étaient déjà prévisibles aux premières heures de la journée avant même l'arrivée du représentant du candidat Abdelaziz Bouteflika. Aux décors festifs plantés aux abords de la Maison de la culture et à l'intérieur de l'édifice s'est mêlé celui des contestataires dont les rangs ne cessaient de grossir au fil du temps en encerclant pratiquement tout l'édifice où devait se tenir le meeting sous le regard d'un dispositif policier qui apparemment n'a pas pris toute la mesure de la situation. Annoncé à 11 heures, le meeting prenait chaque minute qui passe, du retard. Les échos qui parvenaient sur les lieux n'auguraient rien de bon. L'offensive des organisateurs constatée à notre arrivée le matin cédait le pas au fil du temps, à celle des contestataires devenus plus nombreux. C'est au moment où les services de sécurité s'attelaient à mettre en place le cordon de sécurité, qu'on pensait ouvrir le passage à la délégation électorale, que la situation s'envenime. La manifestation voulue pacifique s'est vite transformée en affrontements entre les policiers instruits d'ouvrir le passage afin d'évacuer les personnalités et les journalistes coincés à l'intérieur de l'édifice. C'est là que le dispositif policier se renforce devant la menace qui se fait plus pesante. La situation dérape et les manifestants passent au stade supérieur. En dépit des appels au calme lancés par certains animateurs pour une contestation pacifique, rien n'est fait et les premiers projectiles s'invitent. La situation, qui était déjà assez tendue, s'est vite envenimée. Les partisans du candidat et les journalistes bloqués à l'intérieur de la Maison de la culture pendant plus de deux heures, repartent sous un feu de projectiles. La tension monte. Elle se fait plus intense sur fond de slogans hostiles au pouvoir et au quatrième mandat. «Y en a marre de ce pouvoir», «non au quatrième mandat», scandaient à tue-tête les manifestants dont certains estiment qu' «il y a eu provocation à cause des banderoles géantes arborées le matin dans la ville», notamment celles dans lesquelles était indiqué que «quelques entreprises publiques et la société civile bougiote sont pour le 4ème mandat du président sortant». Les manifestants continuent à harceler à coups de pierres les policiers qui protègent l'édifice et ses occupants. Ces derniers ont fini par riposter par des gaz lacrymogènes. Tout l'après-midi les scènes de violences se poursuivront sous le regard des citoyens qui n'ont jamais pensé un moment que les choses allaient prendre cette tournure. Une tournure que personne ne pouvait prévoir y compris les services de sécurité tant les Bédjaouis faisaient montre d'une opposition à toute forme de violence. Eux qui ont longtemps subi les affres des années noires du début des années 2000. Un édifice culturel saccagé, cinq véhicules calcinés, de nombreux blessés de part et d'autre; voilà le résultat d'une contestation pacifique qui a vite viré au cauchemar. Les journalistes ont été évacués vers l'aéroport Abane-Ramdane dans les fourgons de la police sous une pluie de pierres lancées par les protestataires. Au salon d'honneur de l'aéroport, Abdelmalek Sellal a tenu à voir les journalistes. Il a profité de l'occasion pour dénoncer l'empêchement de son meeting. «Nous avons décidé d'annuler le meeting pour préserver la sécurité», a-t-il expliqué. «Vous avez vu ce qui s'est passé. On est contre la violence, l'exclusion et l'extrémisme», a-t-il ajouté, regrettant la conception que font «certains de la démocratie». M. Sellal a dénoncé des extrémistes qui seraient derrière l'empêchement de son meeting. «Que Dieu fasse qu'ils reviennent au droit chemin», a-t-il souligné avant de remercier les habitants de Béjaïa qui étaient présents dans la salle où devait se tenir le meeting. Il précise que sa campagne en faveur du 4e mandat se poursuivra, annonçant que le meeting d'aujourd'hui à Tizi-Ouzou ne sera pas annulé. Il y a lieu de noter que d'autres manifestants ont empêché la tenue d'un autre meeting de l'ex-ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication (TIC) à Akbou. Devant cet incident, la Ligue algérienne des droits de l'homme a indiqué dans un communiqué signé de son vice-président, Saïd Salhi et rendu public «la Laddh recommande de la vigilance et de la clairvoyance; elles doivent permettre à la société de s'ouvrir sur une perspective pacifique et rassembleuse». C'est la première fois depuis le début de la campagne électorale qu'un meeting est empêché par des citoyens qui se disent opposés à la présidentielle. La Maison de la culture Taos Amrouche incendiée Un spectacle désolant. Sous les regards médusés des Béjaouis, la Maison de la culture Taos Amrouche a été incendiée par les manifestants, hier. Même les pompiers n'arrivaient pas à accéder pour contenir les flammes. Les services de sécurité étaient dépassés par les événements. Après les premières escarmouches, la foule s'est rassemblée et est devenue plus nombreuse. Aux environs de 19h, les hostilités se poursuivaient entre plusieurs centaines de manifestants et la police. De nombreux citoyens de Béjaïa ont regretté que de tels incidents se passent dans leur ville.