L'attentat contre le président du CIG, la dépréciation des conditions sécuritaires plongent le pays dans l'incertitude. Un groupe jusqu'alors inconnu, le Mouvement de la résistance arabe/ Brigades Al-Rashid, a revendiqué l'attentat kamikaze qui coûta lundi la vie à Ezzedine Salim, président du Conseil transitoire irakien. Observateurs et analystes se perdent en conjectures d'autant plus que l'armée américaine estime pour sa part que l'attentat «portait la marque habituelle» du Jordanien Abou Moussab Al-Zarkaoui. Or, le mode-même de la revendication de cet attentat, où il est fait mention des noms des deux kamikazes ayant exécuté l'opération - Ali Khaled Al-Jabouri et Mohamed Hassan Al-Samarraï - rappelle plutôt la démarche «classique» des fidaïyin palestiniens. Que ce soit le fait de la guérilla irakienne ou d'une cellule de la nébuleuse Al-Qaîda, l'assassinat du président du gouvernement provisoire irakien induit une nouvelle donne dans la problèmatique irakienne où est observée une détérioration de plus en plus marquée des conditions sécuritaires, alors que le pays chiite (Najaf, Kerbala et Koufa) est quasiment sur pied de guerre depuis le 4 avril dernier. En fait, depuis le 20 mars dernier, marquant le premier anniversaire de l'offensive de la coalition contre le pouvoir de Saddam Hussein, la situation s'est totalement dégradée et il ne se passe pas de jour sans que des dizaines d'Irakiens ne soient tués, soit du fait d'attentats de la guérilla, plus sûrement par les opérations que mènent les forces d'occupation contre la résistance irakienne. De fait, la cinquantaine de miliciens chiites tués ces dernières vingt-quatre heures à Kerbala et à Najaf, la forte explosion qui ébranla hier Bagdad, quelques heures après l'enterrement d'Ezzedine Salim, sont autant d'indices qui montrent que la situation devient de plus en plus ingérable pour les forces d'occupation de la coalition laquelle se trouve devant des choix qui seraient pour elle négatifs quelle que soit l'option prise. En fait, le commandement militaire américain se trouve face à un dilemme, renforcer la répression aveugle ne ferait que lui aliéner la population irakienne, -qui paye déjà le prix fort à l'occupation-, alors que la coalition cherche à l'amadouer, d'autre part, comme cela s'est vu à Falloujah, la population irakienne est totalement solidaire avec la résistance. Aussi, le chef de la diplomatie britannique est dans le vrai lorsqu'il admet que «les difficultés (que nous) rencontrons sont plus importantes que ce à quoi nous nous attendions il y a neuf mois». De fait la coalition s'attendait à être accueillie avec des fleurs pour avoir débarrassé l'Irak de Saddam Hussein. Il n'en est rien en fait et la résistance a plutôt durci ces derniers mois, ponctuée hier par l'attentat de lundi contre le président du Conseil transitoire. En réalité, la situation générale relativise ce que la coalition a dit ou affirmé ces derniers mois. Ce qui fait dire à Condoleezza Rice, après la mort d'Ezzedine Salim, que «la solution ultime à cela est politique et irakienne». Certes ! Toutefois, la recrudescence de la violence, la dégradation continue des conditions sécuritaires font peser de sérieuses menaces sur le désengagement de la coalition, prévu en principe pour le 30 juin prochain. Si le président américain, George W.Bush a réitéré, lundi, la détermination des Etats-Unis à respecter le programme de transfert de souveraineté aux Irakiens, à la date prévue, affirmant «le 30 juin, le drapeau de l'Irak libre sera hissé et que le nouveau gouvernement intérimaire assurera la souveraineté», le point de vue du Premier ministre britannique, Tony Blair, semble quelque peu différent, lequel, commentant l'assassinat d'Ezzedine Salim, lundi à Ankara où il se trouve en visite officielle, indique : «Ce qui s'est passé aujourd'hui (...) souligne ce fait : nous n'allons pas faire ce qu'on appelle une sortie rapide, il n'y aura pas de départ précipité de l'Irak.» En fait, l'élargissement du front de lutte, la rébellion d'une partie de la communauté chiite contre l'occupation induisent autant d'inconnues dans un pays plus ou moins livré à toutes les surenchères, comme les tirs qui ont pris pour cible la résidence, à Najaf, du grand ayatollah, Ali Sistani, l'autorité religieuse chiite la plus influente en Irak. Provocation ? Le fait de membres de l'Armée du Mehdi de Moqtada Sadr? Quoi qu'il en soit, une disparition subite de l'ayatollah Sistani aurait indubitablement des conséquences que personne ne peut prévoir. Veut-on activer le brasier dans un Irak qui vit déjà sur une poudrière? Evidemment le bureau du chef radical chiite à nié toute implication dans cette affaire précisant que «l'Armée du Mehdi n'a été créée que pour protéger les lieux saints et les dignitaires religieux». Ce qui est patent, est que l'Irak plonge chaque jour un peu plus dans un bourbier de plus en plus vietnamien.