Dangereuse dégradation de la situation dans ce pays où la violence monte en spirale. Les effets de la guerre en Irak commencent à se faire sentir, induits par une aggravation progressive de la situation sécuritaire sur l'ensemble du territoire irakien. Ainsi, après la mort, mardi dernier, de l'envoyé spécial de l'ONU, Sergio Vieira de Mello, dans l'attentat au camion piégé, c'est au tour de l'ayatollah Mohamed Saïd Al-Hakim de faire l'objet d'une tentative d'assassinat dimanche, d'où il s'en sort légèrement blessé, alors que quatre des gardes du corps de son entourage sont tués. Plus au nord, au Kurdistan irakien, des batailles rangées ont opposé, lors du week-end, dans la ville de Tuz Khurmatu, dans la région de Kirkouk, Kurdes et Turcomans, faisant treize morts et des dizaines de blessés. La situation semble de plus en plus échapper à la coalition américano-britannique qui essaie, en vain, de stabiliser les choses. Le président américain, George W. Bush - qui refuse d'envisager un rôle de direction pour les Nations unies -, n'a cessé en revanche, depuis plusieurs jours, de faire des appels du pied pressants à la communauté internationale pour qu'elle accepte de participer à l'effort de guerre américain par l'envoi de forces militaires en Irak pour soutenir la coalition. Toutefois, ces appels sont demeurés, jusqu'à présent, sans échos, de nombreux pays estimant, qu'une telle éventualité - l'envoi de troupes étrangères en Irak - ne pouvait se faire que sous l'égide de l'ONU. Pour les Américains c'est l'impasse, lorsqu'ils découvrent que les 147.000 soldats américains déployés en Irak sont insuffisants à garantir l'ordre et la sécurité dans le pays. La multiplication des attentats, les cibles frappées par l'opposition armée irakienne, de plus en plus haut placées indiquent une radicalisation de la guerre en Irak. Cette radicalisation trouve sa source dans la multiplication des groupes de «résistance» à l'occupation, groupes indépendants surgis ces derniers mois, comme en atteste la double revendication de l'attentat contre le quartier général de l'ONU à Bagdad. En effet, après la revendication, jeudi, par un groupe inconnu, «l'Avant-garde armée de la Seconde armée de Mohamed», de l'opération kamikaze qui a coûté la vie à Sergio Vieira de Mello, représentant de l'ONU, c'est un deuxième groupe, affilié à Al- Qaîda, les Brigades du martyr Abou Hafs Al-Masri, (nom de guerre de l'Egyptien Mohamed Atef, tué en 2001 en Afghanistan, et considéré comme l'un des cerveaux de l'attentat anti-américain du 11 septembre à New York), qui revendique l'action contre l'ONU. Dans leur communiqué, diffusé sur un site islamiste, les Brigades du martyr Abou Hafs Al-Masri, indiquent que «l'attaque en Irak a infligé une leçon aux Etats-Unis et à l'ONU», qui n'est, selon le communiqué, qu'«une branche de leur département d'Etat». Face à cette escalade de la violence, de même que de la multiplication des groupes d'opposition armée, Washing-ton presse ses alliés, comme l'Australie, à dépêcher plus de troupes en Irak. De fait, la presse australienne parlait, hier, de fortes pressions faites par la Maison Blanche sur le Premier ministre australien, John Howard, l'incitant à détacher des troupes pour l'Irak. Ainsi, la gravité de la situation en Irak, situation qui pourrait échapper à tout contrôle, est attestée par la tentative d'assassinat de l'un des grands ayatollahs irakiens, Mohamed Saïd Al-Hakim, l'un des quatre membres de la Hawza, la plus haute autorité religieuse chiite en Irak (ses autres membres sont les ayatollahs Ali Sistani, Mohamed Ishaq Al-Fayyad et Bachir Al-Najafi). Cet attentat contre l'ayatollah Al-Hakim a fait quatre morts parmi ses gardes du corps. Cette tentative d'assassinat risque aussi de réveiller les démons de la guerre religieuse au moment ou l'Irak est menacé au Kurdistan par une guerre ethnique entre Kurdes et Turcomans. La tentative d'assassinat de l'ayatollah Mohamed Said Al-Hakim a également fait réagir le Guide suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei qui dénonça cet attentat qui sert, selon lui, les forces d'occupation affirmant: «Les responsables de cette opération sanglante agissent dans le droit fil des entreprises haineuses qui visent à affaiblir le centre théologique de Najaf et à faire peser la menace sur les théologiens», indiquant: «De tels actes risquent de servir de prétexte aux forces occupantes en Irak pour imposer leur politique répressive à un peuple irakien sans défense» réitérant enfin: «La nécessité d'une présence active des Nations unies pour faire en sorte que le peuple irakien décide lui-même de son sort et pour mettre fin à une crise qui se répercute sur toute la région.» Il évident que plus les groupes armés de l'opposition irakienne s'organisent, plus la coalition se heurtera à une résistance qu'il lui sera difficile d'éliminer. Les Américains, qui pensaient avoir fait l'essentiel en éliminant le régime de Saddam Hussein, découvrent qu'ils ont surtout ouvert la boîte de Pandore et se préparent à des lendemains sanglants.