Après les émeutes, les rassemblements populaires et les grèves de la faim, moyens jusque-là adoptés par les citoyens pour transmettre leurs doléances, nous assistons à de nouveaux modes de contestation sociale. Des moyens de révolte qui vont du suicide au meurtre en passant par les pires formes de «vengeance sur soi», à défaut d'obtenir gain de cause. Le manque de communication, l'injustice et les disparités sociales sont dans la plupart des cas responsables du passage à l'acte. Celui de mettre fin à ses jours pour ne pas souffrir encore davantage de la «hogra» et de l'arbitraire. Le phénomène du suicide a pris des proportions alarmantes ces derniers temps. C'est paradoxalement au moment où un vaste programme d'emplois des jeunes a été mis en place que les jeunes ont recours à cet ultime «échappatoire». Avant-hier encore, plus de 300 personnes ont menacé d'un suicide collectif dans la wilaya de Sidi Bel Abbès, si jamais le wali ne se présente pas dans leur quartier pour s'enquérir de leurs conditions de vie et de leurs doléances. Ce recours à la solution extrême est favorisée par un manque de voies de recours pour ces jeunes désoeuvrés. La semaine dernière, un jeune entrepreneur de la wilaya de Djelfa, avait tenté, en désespoir de cause, de s'immoler par le feu à la Maison de la presse Tahar Djaout, à Alger. Le seul moyen pour dénoncer l'arbitraire des autorités locales et les blocages bureaucratiques auxquels il est confronté. Ce n'est donc pas la première fois que des citoyens, en l'absence d'une écoute de la part, aussi bien de leur environnement immédiat (famille, milieu professionnel), que des responsables locaux, mettent fin à leurs vies. D'ailleurs le phénomène du suicide prend ces dernières années une allure préoccupante. Un phénomène accentué par le silence des autorités. L'absence de perspectives pourrait aussi justifier de tels comportements, puisque la nature même du système politique et la façon dont sont gérées les institutions et le manque de transparence dans la répartition des richesses alimentent des réactions extrémistes. Le recours au suicide, à l'immolation par le feu et aux grèves de la faim, constitue le stade ultime de la contestation sociale. L'attitude de ces jeunes qui ont affronté les balles «réelles» lors des évènements du 5 Octobre 1988 ou du Printemps noir 2001 en Kabylie, renseigne sur le degré de colère contre les dépassements d'institutions de la République censées les protéger. Un état de fait qui renseigne, une fois de plus, sur la manière dont sont gérées les institutions publiques, qui devraient pourtant être constamment à l'écoute des citoyens, abstraction faite de leur rang social ou de leur appartenance ethnique, politique ou religieuse. C'est enfin par souci de préserver leur dignité et de ne pas courber l'échine que des citoyens faisant abstraction de leur être mettent fin à leur vie. Mais, est-ce la solution?